Après la création et le lancement d’un site Internet à l’adresse https://lecourrierniger.com/, de la rubrique Mise au point qui est à son quatrième numéro, le courrier a décidé, toujours dans l’optique d’une plus grande prise en compte des attentes de ses lecteurs, de lancer une autre rubrique appelée Piqûre de rappel.
Piqûre de rappel est une rubrique dont l’objectif essentiel est de rafraichir, dans un contexte de reddition des comptes, la mémoire des amnésiques. Mais elle ne manquera pas pour autant d’asséner des coups de massue à ceux qui, hier, ont fait du Niger ce que bon leur semble ; ces individus qui, grâce au pouvoir d’État qui leur a été conféré, ont fait main basse sur les ressources publiques, établi des connivences avec l’extérieur pour escroquer l’État nigérien afin de s’enrichir ou encore ceux qui ont poussé leur vénalité jusqu’à commercer avec des trafiquants de drogue et des terroristes pour servir des intérêts étrangers. De ce beau monde, malheureusement, il y en a plein qui, malgré les évènements du 26 juillet 2023, ont gardé tous leurs privilèges et leurs capacités d’action. Au service, toujours, de ce qu’ils savent faire, de ce qu’ils ont fait durant 13 ans.
Pour ce premier numéro de Piqûre de rappel, à tout seigneur, tout honneur, celui qui a inspiré les toutes premières sanctions à visage inhumain dans le cadre de la Cedeao, ne s’appelle ni Tinubu, ni Talon, encore moins Ouattara ou Sall. Il s’appelle Issoufou Mahamadou, alors tout puissant président du Niger et grand serviteur de la Françafrique et des intérêts français au Niger. Un bon nègre, dans la logique et le vocabulaire des colons et des néocolons.
« Nous allons engager des discutons avec les responsables de la junte militaire pour leur porter le message de notre communauté et leur faire comprendre que le temps des prises de pouvoir par la force est révolu dans notre sous-région », a déclaré d’Issoufou Mahamadou, chef de l’État, président en exercice de la Cedeao à la clôture du sommet extraordinaire sur la situation au Mali, en août 2020. Et dès l’ouverture de cette session extraordinaire sur le Mali, Issoufou Mahamadou a déclaré : « Face à l’urgence de la situation, sur mes instructions, le président de notre commission a rendu public un communiqué dans lequel la Cedeao déclare :
- Dénier catégoriquement toute forme de légitimité aux militaires putschistes et exiger le rétablissement immédiat de l’ordre constitutionnel.
- Décider de la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, financières et commerciales à l’exception des denrées de première nécessité, des médicaments, du carburant, de l’électricité entre les pays membres et le Mali. Nous invitons tous les partenaires à faire de même.
- Demander la mise en œuvre immédiate d’un ensemble de sanctions contre tous les militaires putschistes et leurs partenaires et collaborateurs.
- Demander la montée en puissance de la force en attente de la Cedeao.
Qu’on se comprenne bien : dans les sanctions contre le Niger, il y a du Issoufou Mahamadou et ça y est là, dans celles qui ont été prises contre le Mali.
Mise au point
Si les tendances observées ne changent pas, le Niger n’est pas sorti de l’auberge.
Tous les soutiens du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp), évalués à 80%, au moins, des Nigériens, sont unanimes à le dire et il y a lieu pour les dirigeants militaires actuels de le prendre en compte. Gouverner, c’est prévoir, anticiper, dit-on. Et s’il est sincère dans son combat, le Cnsp doit impérativement changer de fusil d’épaule.
Lorsqu’on dit être là pour servir le peuple, on ne gouverne pas contre les aspirations populaires, on les prend en compte pour donner une légitimité à son action. On ne les ignore pas, on les écoute et y adhère.
Lorsqu’on dit être là pour corriger une injustice, on ne compose pas avec le régime qu’on a soi-même déchu, on agit pour le ʺtuerʺ, pour le décapiter afin que le monstre ne revienne plus pour des représailles comme savent le faire tous les gouvernants aux antipodes des aspirations populaires.
Lorsqu’on dit être là pour faire payer ceux qui ont spolié l’État de ses ressources à coups de milliards, occasionnant des milliers de morts, entre autres, on ne transige pas avec les auteurs, on les met à la disposition de la justice qui leur applique les dispositions du code pénal.
Lorsqu’on dit être là pour faire en sorte que, plus jamais, ce qui s’est passé dans ce pays ne le soit plus, on ne fait pas dans le clair-obscur en mettant en prison les responsables de cette gabegie grâce à laquelle, c’est de notoriété publique, ils ont construit des fortunes immenses, sans leur avoir reproché, au plan judiciaire, quelque grief que ce soit.
Lorsqu’on a mis un terme à un régime et qu’on dit vouloir instaurer une nouvelle gouvernance plus vertueuse, on ne crée pas les conditions qui confortent l’idée que seuls les ignorants croient à une éventualité de reddition de comptes ; autrement dit, on laisse entendre que quiconque a l’opportunité de détourner l’argent public, comme cela l’a été sous Issoufou et Bazoum, n’a pas à hésiter. À moins d’être, bien sûr, un parfait imbécile.
Lorsqu’on veut sincèrement changer les pratiques de gouvernance, on ne le fait pas avec ceux qui ont utilisé, durant plus d’une décennie, des pratiques mises en cause, y compris en compromettant la vie de milliers de leurs compatriotes, pour instaurer un système de prédation sur fond de trafics d’armes et de drogue.
En offrant ce large boulevard dans lequel, en toute aisance, aux mêmes individus qui ont ruiné le Niger, le Cnsp prend d’énormes risques pour la stabilité sociale du pays. La révolte gronde et il est bien d’y faire attention afin de rassurer rapidement par des actes, pas des discours. La montée d’adrénaline nettement perceptible traduit, chaque jour qui passe, le fossé qui se creuse, lentement mais sûrement, entre le Cnsp et la grande majorité du peuple nigérien, celui qui est massivement sortir, dans les quatre coins des 1 267 000 km2, pour saluer les évènements du 26 juillet 2023 et soutenir la transition militaire.
Il faut conjurer à temps ce qui se profile à l’horizon. Le Cnsp ne peut, c’est une conviction, trahir ce fort élan populaire sur fond de sacrifices divers consentis par le peuple nigérien durant quatre mois. Quatre mois de privations et d’engagement patriote qui ont conduit des milliers de jeunes à tout abandonner pour veiller nuit et jour, avec des rations alimentaires, sur des piquets de vigilance face aux velléités d’agressions militaires de la France et de ses valets locaux. Tout ça aurait été fait pour servir des intérêts d’un clan et non le Niger ? On n’ose le croire. Le Cnsp sait ce qui lui est reproché, il lui reste à agir à bon escient. En tout état de cause, si les tendances observées ne changent pas, le Niger n’est pas sorti de l’auberge.
Laboukoye