Est-ce qu’il est vraiment moralement soutenable de demander aux Nigériens de cotiser de l’argent pour, entre autres, équiper l’armée sur fonds propre national alors que des individus qui ont pris des dizaines de milliards de l’Etat pour les uns, des centaines de milliards pour les autres, sont aujourd’hui libres et exempts de toute inquiétude pénale ?
Aucune mobilisation sociale durable sur quelque question que ce soit n’est possible lorsque le gouvernant pèche dans la complaisance vis-à-vis de ceux qui ont mis le Niger dans cette situation. La preuve, l’élan national de mobilisation s’essouffle progressivement et les voix qui crient à un autre scandale se multiplient, dans un silence assourdissant du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) qui joue à la politique de l’Autriche.
Même la sortie frauduleuse d’or, vue comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, a laissé le Cnsp de marbre. C’est dommage.
Il faut le dire, les Nigériens ont le sentiment d’être abusés et la lutte pour la souveraineté nationale ne peut et ne doit être utilisée pour ne pas appliquer les dispositions légales prévues par le Code pénal à des individus qui ont commis des délits et crimes des plus abominables.
Oui, des plus abominables car il n’y a pas pire crime que de se faire de l’argent sur la vie de ses compatriotes.
Or,
Ceux que les Nigériens attendent de voir derrière les barreaux ont non seulement été pour quelque chose dans la propagation du terrorisme au Niger, mais ont également utilisé ce fléau qui a fait des milliers de morts pour se construire des fortunes immenses. Ils ont détourné à leurs profits personnels les ressources publiques internes pour ensuite endetter l’Etat à 5200 milliards, dans la plupart des cas détournés aussi à travers des surfacturations, des fausses factures, des marchés fictifs, etc. Pour preuve, les 1000 milliards d’Eximbank de Chine par lesquels Issoufou Mahamadou a hypothéqué la production pétrolière sont comptabilisés dans la dette extérieure sans que l’on soit capable de dire là où ce montant faramineux a été investi. Est-ce qu’il est vraiment moralement soutenable de demander aux Nigériens de cotiser de l’argent pour, entre autres, équiper l’armée sur fonds propre national alors que des individus qui ont pris des dizaines de milliards de l’Etat pour les uns, des centaines de milliards pour les autres, sont aujourd’hui libres et exempts de toute inquiétude pénale ?
Le (CNSP) doit se regarder dans le miroir, examiner la situation qui se dégrade de jour en jour afin de faire amende honorable. Aux doutes se sont succédé les accusations directes et les critiques acerbes, toutes choses qui préfigurent une révolte populaire. Car, si les Nigériens se sont engagés contre la présence militaire étrangère sur leur sol, ce qui dans leur pensée, accorde juste sursis de liberté aux auteurs et complices des scandales financiers, ils ne sont pas prêts à accepter de passer pour les dindons de la farce.
L’exemption d’emprisonnement qui est accordé aux auteurs des scandales financiers à travers les alinéas 1 et 2 de l’article 22 de l’ordonnance portant création, missions, composition et modalités de fonctionnement de la Commission de lutte contre la délinquance financière, économique et financière (Coldeff) est scandale. Cet alinéa souligne clairement que « Lorsque le traitement d’un dossier fait apparaitre des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, la Coldeff transmet le rapport de ses investigations au procureur de la République compétent pour aux fins de poursuites judiciaires. Toutes fois, elle peut conclure une transaction avec la mise en cause et dans ce cas, l’action publique est éteinte ». Comment peut-on accorder un tel privilège à des individus qui ont détourné des milliards en dehors de toutes dispositions du Code pénal, et demander aux citoyens, jusqu’aux plus démunis, de contribuer à la sauvegarde de la patrie ?
Il faut être sans fard : dans un tel contexte, apporter sa contribution est devenu une sorte de phénomène de mode qui s’amplifie par effet de copiage. Aucun village, y compris ceux qui n’ont pas le moindre forage d’eau, malgré par ailleurs les ressources financières très appréciables enregistrées par le Niger au cours des 13 dernières années.
Aucun village ne veut être indexé au titre de ceux qui n’ont pas suivi le mouvement en cours. Cependant, il reste à démontrer que le cœur y est vraiment.
Chose improbable dans un contexte où les auteurs et complices des scandales tels que l’affaire du ministère de la Défense nationale, celle des 1000 d’Eximbank de Chine, des 50 milliards du Congo, de l’achat de l’avion présidentiel, entre autres, sont libres, tranquilles et même très actifs dans la préparation des assises nationales où ils comptent, dit-on, apporter leur contribution à la refondation de la gouvernance. Comme quoi le Cnsp souffle sur le chaud et le froid.