«L’Afrique noire est mal partie », ce triste titre d’un ouvrage de René Dumont, controversé à l’époque, bien que pessimiste, dit bien de cruelles réalités sur le sort d’un continent à qui, dès le départ, tout a été minutieusement mis en place par la colonisation qui faisant semblant de partir, afin de l’empêcher d’émerger et surtout de ne pas croire en elle-même, semant dans les mentalités africaines les graines du doute et du complexe. Mais d’autres intellectuels, refusant de tomber dans le piège du prêt-à-porter, étaient sûrs que le temps du mûrissement finira par arriver, et l’Afrique brisera ses chaines pour aller à la liberté vraie et à la dignité humaine qu’on lui a refusées depuis des longues décennies de marginalité et calomnies.
Aujourd’hui, c’est du côté du Sahel, où on l’espérait moins, que venaient les lumières avec des hommes – tous des soldats – qui venaient à un moment crucial de la vie du Sahel pour ouvrir le chantier laborieux de la reconquête de la souveraineté des pays africains. Quand on considère les tensions qui ont marqué les relations entre la France et les pays du Sahel, à savoir le Mali, le Burkina Faso, le Niger, l’on ne peut que lire le signe des mutations qui s’opèrent dans un partenariat déséquilibré qui a fini par montrer ses limites pour pousser les peuples à la révolte. Pour une fois, après Lumumba, Sékou Touré, Sankara, des dirigeants africains, enfin, osent, dé- complexés, parler de manière responsable et libre en face de la France pour lui dire ce qu’elle n’est pas habituée à entendre de la part de ses anciens colonisés. C’est le Mali qui avait commencé, le premier, à tenir tête à la France, lui demandant de partir de son territoire avec ses troupes devenues indésirables. Puis est venu le Burkina Faso qui tenait le même discours à la France. Le Niger fit autant. Ce fut le temps des divorces.
Puis, pour marquer cette marche irréversible, le 16 septembre 2023, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont décidé de créer l’Alliance des Etats du Sahel (AES). « Cette alliance est, souligne le Général nigérien au Mali, la consécration de notre détermination à arracher notre souveraineté, la souveraineté des Etats du Sahel pour que le Sahel ne soit plus une zone d’insécurité, mais une zone de prospérité pour le bien de nos peuples ». Les trois héros nationaux, sahéliens, nourrissent de grandes et exaltantes ambitions pour le Sahel qu’ils veulent transformer en une entité viable et prospère que le monde pourra reconnaitre comme une puissance sous-régionale avec laquelle l’on doit dorénavant compter. C’est pourquoi, s’exprimant lors de son dernier voyage dans la sous-région, le Général Tiani dit : « A travers l’Alliance des Etats du Sahel, nous devons changer au lieu d’être comme convenu une alliance dans le domaine de la sécurité, qu’elle soit plus que ça ; qu’elle soit une alliance qui assure le développement socioéconomique, une prospérité aux vaillants peuples qui soutiennent leurs leaders.
Ceci est un espoir que nous n’avons pas le droit de décevoir, de trahir ». Pour le Président nigérien, les défis sont d’autant multiples que l’on ne saurait s’en tenir qu’au seul défi de la sécurité. Il y a beaucoup à construire ensemble pour changer le visage du Sahel qui ne doit plus rimer avec famines et sécheresses, coups d’Etat et instabilité, violences et incertitudes.
Accélérer la mise en place de l’Alliance…
Partout où il partait, à Bamako comme à Ouagadougou, le Président du CNSP, Chef de l’Etat du Niger, le Général Abdourhamane Tiani, a trouvé des partenaires mus par les mêmes ambitions pour un Sahel nouveau qui devra être la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, et pourquoi pas, de toute l’Afrique. Mais cela n’est possible que lorsqu’on aura pacifié cette partie violentée du contient, en proie à une insécurité sans précédent. Face aux urgences, pour le Général nigérien, il faut compter avec les échéances que fixait l’AES : « Nous attendons [, dira-t-il,] le 10 décembre, […] la rencontre de la CEDEAO, rencontre qui va décider du sort du peuple nigérien qui vit depuis bientôt quatre mois sous embargo » pour sans doute décider davantage et de manière précise des orientations à donner à l’AES. Pour les officiers sahéliens, il n’est pas question, même avec tant d’obstacles à braver, de baisser les bras sinon que de tenir vaille que vaille à poursuivre la marche pour aller encore plus loin dans la refondation du Sahel qui passe du cadre protocolaire et bureaucratique du CILSS pour devenir un instrument pragmatique au service des mutations au Sahel.
Ils prenaient des engagements pour leurs Etats qu’ils veulent fédérer autour de projets nobles et ambitieux qui feront de cette partie du continent un espace émergeant qui s’imposera dans la géopolitique internationale par son poids démographique, par la force de sa jeunesse, par ses potentialités minières énormes, par la nouvelle envergure de son tissu industriel, par la vision éclairée de ses leaders. Ils donnaient par une telle vision de nouveaux espoirs à leur peuple, voyant là, à travers le capitaine Ibrahim Traoré l’incarnation du Capitaine Thomas Sankara, à travers Assimi Goïta, celle de Modibo Keita, à travers le Général Abdourhamane Tiani, celle du Général Seini Kountché. C’est à croire que l’on revit une renaissance du Sahel qui revoit les vieux visages des héros qui l’ont marqué.
Il ne faut donc pas s’arrêter en si bon chemin…
Pour le Général nigérien s’il faut accélérer les pas, il faut surtout comprendre qu’on n’a plus droit à l’échec et qu’il faille continuer la marche pour aller encore loin, plus que les peuples l’espèrent. Il prévient : « Nous sommes venus également par rapport à cette nouvelle donne pour que, ensemble, nous réfléchissions pour voir comment faire de cet espoir, de ce rêve, une réalité, le rêve de la prospérité » et justifier à la face du monde qu’on n’avait pas eu tort d’oser la rectification qui nous vaut, chacun dans son pays, de la part de certains partenaires, bannissements et sanctions injustes et hâtives qui ne correspondent à aucun réalisme politique. C’est une longue marche qui requiert patience et endurance, foi et persévérance.
Pour maintenir la dynamique, pour lui, on peut compter sur l’éveil du peuple du Sahel, sur le capital de confiance des peuples du Sahel qui adhèrent massivement à cette dynamique et la soutiennent totalement. Pour lui, en effet, « Le peuple du Sahel a compris que le Sahel est la terre promise et que le peuple du Sahel est déterminé à dé- fendre cette terre promise, et ça, malgré l’adversité, malgré l’inimitié ». Quand, contrairement à ce qu’on lui a fait croire, le Sahélien comprend qu’il vit sur une terre riche, et qu’il est convaincu que l’exploitation judicieuse de tant de richesses pourrait lui permettre de vivre heureux, non sous la dépendance, alors rien ne peut l’empêcher de s’engager pour les transformations qu’on veut réussir pour le Sahel.
Hargne et engagement…
La prise en main de leur destin commande aux Etats du Sahel encore plus de courage pour ne jamais baisser les bras pour maintenir le rythme, voire l’accélérer. C’est d’autant possible que pour Tiani, « Cela [les] conforte parce que quand le peuple prend conscience, aucune force d’opposition ne saura le dévier de la trajectoire du développement. C’est cette conviction [qu’il est venu] partager avec [son] frère, le[s] Président[s][des] transition[s] » du Burkina et du Mali. Les convictions sont d’autant tenaces qu’il estime que « rien ne les détournera de leur objectif, celui de faire du Sahel une zone de prospérité ». Ensemble, ils consentiront le sacrifice qu’il faut pour qu’un tel objectif soit atteint au grand bonheur des peuple et même, pourquoi pas, de l’Afrique entière. C’est par une conscience historique qu’ils ont des défis du moment qu’ils aspirent à pousser le Sahel vers l’accomplissement d’un tel destin que l’on a jusqu’ici cru irréalisable. Parleurs lucidités, ils saisissent toute « […] la portée historique de l’acte [qu’ils ont] posé le 16 septembre 2023 » et pour lequel ils n’accepteront aucun renoncement, aucune hésitation.
Donner des gages…
Au peuple qui attend et qu’on a fait espérer, profitant de ce déplacement, Abdourhamane Tiani donne des gages quant à cette volonté inébranlable qui les anime pour changer le Sahel en y apportant les mutations nécessaires qui changeront radicalement son visage et la qualité de vie des populations qui ne peuvent être éternellement condamnées à la misère et à la mendicité, à la migration ainsi que certains médias, en mal de sensation, en ont donné l’image à travers le monde. C’est pourquoi il rassure qu’ils « […] ne failliron[t] pas, [ils] ne reculeron[t] devant aucune menace ». Sur un tel point, il est même intransigeant : « Nous pouvons rassurer que nous ferons tout – je dis bien tout – pour répondre aux attentes des peuples de l’Alliance des Etats du Sahel ». Un état d’esprit que partage les autres leaders, notamment Assimi Goïta qui ré- torque en face de son hôte : « Il ne faut pas décevoir le peuple ! ».
Ces mots très forts des trois leaders, que dire des trois héros, sont désormais gravés dans l’histoire en lettres d’or pour rappeler le fort engagement d’hommes qui ont, ensemble, en décidant de mettre sur pied une nouvelle alliance – l’AES – de donner à leurs peuples de nouveaux espoirs, rassurant sur leur engagement que rien ne saurait ébranler. Quand on voit la CDEAO et l’UEMOA s’agiter depuis des jours, inquiètes pour la désagrégation annoncée de leurs institutions, c’est qu’elles ont compris qu’elles avaient manqué de lucidité pour gérer avec plus de tact des situations sensibles qui requéraient prévenance et sagesse de leur part.
Aujourd’hui, ils sentent venir la menace qui les fera couler pour voir émerger à leurs places des institutions concurrentes nouvelles qui, parce que s’affranchissant de la domination française, peuvent, par ce seul fait, attirer de nouveaux adhérents, surtout quand l’AES parviendra à réussir là où échouait la CEDEAO, dans la création d’une monnaie unique notamment qui nous libérera du franc cfa décrié parce que trop obsolète et anachronique. Outils de la France, elles n’ont plus aucune chance de survivre dans le nouvel environnement sociopolitique et économique d’une Afrique qui a besoin d’être libre et d’émerger. Les Etats du Sahel sont donc dans une marche historique, irréversible et, pour ce, ils n’entendent pas céder aux pressions internationales. Le Sahel renaitra. C’est notre rêve.
Par Mairiga