Par Mairiga
Etourdie, la CEDEAO, dans la gestion de la crise nigérienne, ne sait plus ce qu’elle fait, allant de déni en déni, d’incohérence en incohérence, de contradiction en contradiction. Elle ne sait plus si elle doit relire ses textes qu’elle a piétinés pour les plaisirs d’Emmanuel Macron, si elle doit obtempérer aux injonctions françaises dangereuses pour sa survie, ou si elle doit avoir simplement le courage de faire son mea-culpa, pour reconnaitre ses erreurs et revenir à une gestion plus responsable de ses relations avec les Etats du Sahel, notamment de l’AES. Elle se rend compte qu’elle a eu tort d’aller à certaines mesures qui montrent bien qu’elle ne fonctionne plus par elle-même et pour elle-même. Pendant des jours, elle a travaillé à dégoûter d’elle, et les Etats de l’AES ne se sentent plus obligés de coopérer dans une organisation qui peut décider de les étouffer et, qui, comme dans le cas du Niger, peut porter une guerre contre eux.
Le Niger savait que cette CEDEAO ne fonctionne plus dans le respect du droit quand même il décidait de saisir sa Cour pour juger de la légalité de ses sanctions que ses textes n’ont souvent pas prévues. N’est-ce pas que, devant Emmanuel Macron, Bazoum, un jour, disait que, dans les textes de la CEDEAO, il n’est prévu nulle part de fermer les frontières, ce qui, serait, on l’aura compris, en contradiction avec ses principes de libre circulation et d’intégration économique et sociale ? Mais la CEDEAO n’en a cure, dès lors qu’il s’agit de répondre aux injonctions de Paris et de faire plaisir au Président français qui peut leur dicter ce qu’ils doivent faire dans une organisation qui ne concerne pourtant en rien la France.
Dans le dossier nigérien, la CEDEAO s’est ridiculisée. Alors qu’elle passait à perdre son temps pour demander, sans succès, la libération et le rétablissement du président déchu dans ses fonctions, d’autres pays, plus réalistes et sérieux, reconnaissaient un coup d’Etat et demandaient plus humblement que les conditions soient créées pour un retour rapide à un ordre constitutionnelle souhaité. Allant d’extrémisme en extrémisme, la France a fini par se planter dans une posture sans issue, pour finalement demander aujourd’hui, étourdie, ce qui serait pour elle, un arrangement, pour sauver la peau de son « sous-préfet » qu’elle veut voir libéré et autorisé à aller en exil. Un tel marché de dupes, on le comprend, ne peut être accepté par les Nigériens et leurs dirigeants pour qui, aujourd’hui, tous les Nigériens, au même pied d’égalité, doivent faire face à la Justice de leur pays, celle-là même avec laquelle, en d’autres temps, le Philosophe déchu était heureux de régler des comptes avec la société civile et les acteurs politiques adverses, l’affirmant sans ambages et sans pudeur.
Traitant de la plainte de l’Etat du Niger et autres, sa Cour, plus politique que judiciaire, jugeait irrecevables les requêtes régulièrement enregistrées à ses cabinets, sans doute gênée de les traiter, car sa décision judiciaire pourrait se retourner contre la CEDEAO qui prenait les sanctions sans se conformer à ses textes. Elle pourrait être amenée à réparer les dommages colossaux de ces mesures iniques et criminelles prises contre le Niger. Elle sait que tout le monde sait que les sanctions sont illégales, car n’ayant aucune base légale fondée sur les textes de l’organisation. Et le motif, pour justifier sa décision politique, ne convainc personne. Jugeant illégitimes les autorités qui représentent l’Etat, elle prétend ne pas se sentir obligée de recevoir la requête, entendu que, pour elle et pour la CEDEAO, Bazoum et son gouvernement en exil seraient les seuls représentants légaux du pays. En disant, pour s’en débarrasser, que les motifs contenus dans la requête des autres sont les mêmes dans celle de l’Etat du Niger, la Cour, ne peut justifier qu’elle puisse, sur un tel motif fragile, juger le dossier car les « Autres », peuvent eux, être représentatifs du Niger et donc légitimes pour mériter de sa part, une réponse, et non un refus de recevoir.
Pourtant, au même moment, l’on apprend que la CEDEAO voudrait engager des négociations avec le Niger pour parler, non pas avec Bazoum désormais invisible, mais avec les autorités qu’elle ne reconnait pas et qui, depuis des mois, parlent avec des gouvernements du monde qui ont fait le choix responsable de prendre acte de la réalité du terrain et de pactiser avec les nouvelles autorités qui sortent, n’en déplaise à la France et ses suppôts de la CEDEAO, de l’isolement. La CEDEAO a compris que les pays de l’AES pourraient ne pas avoir besoin d’elle et que, pour ce, il lui fallait réfléchir quant aux rigidités des positions qu’elle prend alors qu’elles peuvent ne pas convenir au contexte historique et, même, peuvent-elles jouer contre ses propres intérêts. On ne peut donc pas comprendre, pendant que la CEDEAO joue au réajustement et au repositionnement stratégique, que la Cour, revenant sur l’affaire Bazoum, somme le gouvernement reconnu du Niger de libérer Bazoum et même – le ridicule ne tue pas – de le remettre dans son fauteuil, mais sans dire quel peuple il devrait désormais diriger après qu’il ait appelé à l’attaquer et à le priver d’électricité, de vivres et de produits pharmaceutiques. En effet, « La Cour de justice de la CEDEAO a ordonné ce vendredi 15 décembre 2023, la remise en liberté immédiate du président déchu Mohamed Bazoum et son rétablissement dans ses fonctions de Président de la République », toute chose que rien n’oblige le Niger à appliquer quand la CEDEAO, elle-même, ne sait pas respecter ses textes et surtout, quand depuis plus de quatre mois, le Niger s’est vu exclu de fait de l’organisation, allant se chercher au niveau de l’AES qui lui donne plus des raisons d’espérer. D’ailleurs, un juge n’avait-il pas demandé de libérer le fils ?
Incohérence…
Il y a quelques jours, la même CEDEAO, comme si sa Cour était devenue un électron libre qui fait ce qu’elle veut, décidait, en sortant de son dernier sommet déserté par bien de partisans de l’intervention militaire, signant ainsi les contradictions qui la minent, nommait des médiateurs pour discuter avec Niamey sur les conditions d’une sortie de crise pour aller à un processus électoral qui conduira à un ordre constitution normal.
La page Bazoum tournée enfin par Abuja
Ce sommet, par certaines absences, a montré que la CEDEAO est irrévocablement divisée sur le cas du Niger et qu’il n’y a plus de moyen de faire front commun contre le Niger. Tous ont fini par comprendre, sauf les ouvriers les plus fous de Paris, à savoir Ouattara et Sall, qu’il y a d’abord des intérêts à préserver : ceux de la sous-région, de la CEDEAO et de chacun des pays de l’organisation communautaire qui, par eux-mêmes, pourraient, par leurs extrémismes, se pousser dans des situations qui pourraient les dépasser. La CEDEAO sait très bien que le chantage qui pose comme condition à la levée des sanctions, la libération de Bazoum Mohamed ne fonctionnera pas. L’a-t-elle donc fait pour mettre à mal les négociations ? Personne ne saurait le dire. Par contre, l’on sait très bien que qu’une telle condition pour Niamey ne peut qu’être irrecevable. On ne peut donc pas comprendre que la CEDEAO, en même temps qu’elle prétend civiliser ses relations brouillées avec le Niger, décide par sa Cour de reconnaitre Bazoum et même d’inviter au dernier sommet l’ancien Premier ministre et l’ancien ministre des Affaires Etrangères aujourd’hui reniés par le Niger qui lançait d’ailleurs contre eux des mandats d’arrêt internationaux pour qu’ils viennent répondre de leurs actes devant la Justice du pays. C’est incohérent. On ne peut donc pas, avec de telles attitudes, faire confiance à la CEDEAO qui peut faire son choix en commerçant avec des hommes qui n’ont plus aucune emprise sur la marche du pays pour décider de quoi que ce soit. La Coldeff, bientôt, au-delà des faits de trahison, révélera à la l’opinion nationale et internationale l’étendue de leurs crimes économiques pour lesquels, forcément, ils devront répondre, un jour ou l’autre.
Cette CEDEAO n’a aucun respect pour les Nigériens. Elle ne peut pas, tout en recevant au sommet ces hommes recherchés par la Justice nigérienne, vouloir discuter avec les militaires nigériens. Rien ne peut donc détourner le Niger de sa marche résolue vers un destin nouveau. Par tant d’incohérences et de contradictions, l’on aura compris qu’elle ne peut être un partenaire sérieux pour le Sahel qui a aujourd’hui des besoins qui peuvent ne pas être ceux de la CEDEAO. La CEDEAO oublie qu’elle ne peut avoir d’emprise sur un Niger qui est dans une alliance stratégique dans le cadre de l’AES et, surtout, sur le chantier d’un partenariat avec d’autres puissances du monde dont la Chine et la Russie avec lesquelles plusieurs aspects de leur coopération devront être étudiés et mis en forme. Le Niger, laisse derrière lui l’ombre de la France, avançant pour de nouvelles épopées. Et les peuples demandent de quitter, sans délai, la CEDEAO.
On comprend que certains, aujourd’hui, demandent carrément le retrait pur et simple des Etats de l’AES de la CEDEAO. On y est parti par nous-mêmes, et personne ne peut nous obliger à y rester tant que nos intérêts ne sont pas préservés, avertissent les radicaux et, de surcroit, les plus nombreux dans un Sahel grouillant de colères et de révoltes.