Par Ali Soumana
Les Nigériens peuvent se rappeler, qu’en venant à la Conférence Nationale Souveraine, les acteurs du PNDS et leurs satellites, sous le couvert d’une vision progressiste défaitiste, venaient aussi, presque pour se venger d’un ordre social séculaire établi par les us et coutumes qui les mettaient en marge ou ne les reconnaissaient que peu par des généalogies recalées. Ils voulurent, dans un premier temps, qu’on ne reconnaisse plus un tel pouvoir qui, pour eux, dans la modernité nouvelle, ne peut se justifier, croyant que le diplôme seul puisse fonder les hiérarchies dans la société. Ils voulaient donc abattre ce socle essentiel de notre société qui ne pouvait pas ne pas conserver les ciments qui fondent son édifice. Quand, ils butèrent contre les croyances qui fondent ce pouvoir traditionnel, d’autres, tenaces, voulaient que, même lorsqu’un tel ordre devrait être maintenu, que sa structuration aristocratique fondée sur le lignage soit supprimée pour démocratiser la chefferie traditionnelle en donnant la possibilité à n’importe qui – le terme nous parait exact – de se prévaloir du statut de prince potentiel pour prétendre à la chefferie traditionnelle ainsi vidée de son essence culturelle.
Mais on savait aussi que si le PNDS en faisait un combat d’arrière-garde, c’était aussi dans un but politique inavoué qu’il le faisait quand, sachant que le MNSD bâtissait, à l’ombre des chefs coutumiers influents, son encrage social et populaire, il avait vainement travaillé à la Conférence Nationale à saborder ce grand parti de l’époque à la riche histoire politico-militaire et civile, perçu déjà comme l’adversaire à abattre. Il fallait donc, à tout prix, déstructurer le pouvoir coutumier qui en était le socle. Les socialistes n’étaient pas capables de comprendre que la société nigérienne est foncièrement féodale pour lui transposer un autre ordre qui risque s’y semer le désordre et trop malentendus. Ayant constaté qu’il leur était difficile de saborder la chefferie traditionnelle, ils se sont résolus à changer de stratégie à son égard. A défaut de ne plus en avoir dans notre architecture sociologique, ils décidèrent d’en corrompre les principes pour la détourner, s’il le faut, de ses valeurs, et de l’avoir comme auxiliaire du parti en faisant occuper l’espace coutumier par des hommes acquis à la cause du parti, tant pis que ceux-là ne répondent pas aux critères établis. C’est ainsi que partout où des élections devraient se passer, le parti s’était débrouillé à installer ses hommes, mettant, dans bien de cas, à l’écart les légitimes héritiers des trônes.
Il a donc fallu attendre de les voir arriver au pouvoir pour les comprendre mieux. En abusant du pouvoir, l’on a vu, tout de suite, les velléités subversives des Camarades marxistes qui usent de mille et un moyens pour déstructurer la chefferie traditionnelle qu’ils tentent de récupérer à leur profit en manipulant les règles de fonctionnement, notamment chaque fois qu’il venait à remplacer un chef décédé. Jamais dans le pays, l’on a assisté à des couronnements controversés que sous le règne du PNDS où, presque partout, le parti est parti mettre son nez pour imposer souvent des candidats dont les liens sont souvent ambigus avec la chefferie, car peu traçables ou des candidats peu aimés des populations. L’un des derniers cas est celui du Birni Gaouré, connu de tous les Nigériens et dont on a vu, à la faveur du coup d’Etat, des rebondissements et prolongements qui en disent long sur la profondeur des malaises provoqués du fait des injustices que l’on a fait subir à d’autres dans le mépris des convenances culturelles. Les cas sont d’ailleurs nombreux à travers le pays. Les Nigériens le savent, du reste et, ce, d’autant que la presse, à l’époque, en avait fait cas dans certaines de ses parutions.
Le mal du PNDS n’est pas qu’à ce niveau. C’est à des buts électoralistes que le parti de Bazoum Mohamed, de Foumakoye Gado et d’Issoufou Mahamadou, partait aussi créer de nombreux groupements nomades que rien ne pouvait justifier, si ce n’est de poser les premiers jalons de la grande fraude électorale que le parti mettait en place, avant même que ne se tiennent les scrutins. Il s’agit, dans bien de cas, de groupements fictifs pour permettre au parti de rattraper ses retards par des bureaux de vote fictifs et des électeurs fictifs. L’œuvre ne s’était d’ailleurs pas arrêtée au temps où Bazoum Mohamed était resté au ministère de l’Intérieur pour préparer sa candidature et son sacre. Plus récemment, quelques mois avant qu’il ne tombe, en mai 2023, un autre arrêté n°000543/MID/DGAPJ/DAC portant « création des campements en tribus administratives dans le groupement peulh Ahmadou Saga (département de Gouré) », avait été signé par son ministre de l‘intérieur pour étendre les espaces de la fraude électorale considérée dans sa vision globale de la prise en main du pouvoir par son clan.
A côté du désastre économique et politique, il y avait aussi cet autre désastre social que le PNDS causait au Niger qu’on blessait dans son âme. Créant, avec les bénédictions d’une CENI-maison, le régime d’alors trouvait le moyen de mettre en place son dispositif de la large fraude qu’il pensait pour conserver le pouvoir plus longtemps et, ce, depuis que, lasse de sa marginalité, l’Opposition qui lui laissait les coudées franches pour poser son piège, y revenait reprendre sa place de victime dont les plaintes ne peuvent avoir d’échos ni au niveau de la CEDEAO complice et de sa Cour contrôlée, ni même au niveau de partenaires-complices à l’image de la France très impliquée dans la magouille électorale, grossièrement pensée et installée par le système déchu.
On comprend que de tels comportements qui viennent saper l’ordre établi, ne puissent que provoquer des malaises dans le corps social avec des grogne profondes et douloureuses que l’on peut entendre ici et là. Au risque de les voir un jour exploser, il y a à prendre au sérieux la portée de certaines décisions que prenait l’ancien régime, souvent sans aucun respect pour les principes et valeurs de notre société. Il ne faut pas souvent attendre de voir comme ce qui s’est passé dans le Boboye pour agir. Il urge de ramener l’ordre dans le pays en tenant aux règles pour le bon fonctionnement de l’organisation sociale dans le pays. Il faut absolument refuser que, par les fantaisies et les calculs mesquins des uns et des autres, les regroupements, sous la bannière d’une même hiérarchie sociale, soient émiettés pour en faire des groupes disparates qui ne peuvent que davantage fragiliser la cohésion sociale. On n’invente pas une dynastie, on en hérite. Cela ne veut pourtant pas dire que l’on ne peut pas avoir quelque valeur sans en être issu. On a même vu, certains sans histoire, usant de chansons et de louanges commandés, se réécrire une nouvelle épopée pour s’inventer une histoire princière pour se faire prendre pour un descendant de telle ou telle dynastie artificielle pour justifier que le pouvoir leur sied par la naissance, alors même que nous sommes dans un pays où tout le monde se sait, comme on dit. Il y a de ces choses que l’on ne peut pas inventer. Ou elles sont, ou elles ne sont pas.
Il ne faut pas dérégler notre société. L’Angleterre est fière de son héritage royal. Nous, de nos valeurs ancestrales aussi.