Le CNSP doit éviter de tomber dans la compromission
Faut-il croire que la transition nigérienne est en train d’être rattrapée par son lien incestueux avec la Renaissance que soupçonnaient, depuis des mois, certains acteurs du régime défunt et certains observateurs de la scène politique nigérienne ? A gouverner pour un peuple, on ne peut rien cacher qu’on ne puisse finir par découvrir. Et la révolution tchanienne depuis quelques temps, semble dévier, allant à la dérive pour finir par faire douter un peuple à qui il avait pourtant donné des rêves légitimes. Ces atermoiements autour de la tenue du forum national pourraient-ils être la preuve des appréhensions que la transition pourrait avoir, en alignant , des acteurs de l’ancien régime qu’elle voudrait peut-être voir occuper les devants de l’événement pour finalement se dévoiler face une opinion nationale qui doutait depuis quelques mois ?
Depuis des semaines, les Nigériens parlent beaucoup, disant qu’après tant de signes déroutants que leur envoie le régime de transition, ils ne comprennent plus, ils ne comprennent rien car bien d’actes posés aujourd’hui ne peuvent être en harmonie avec le projet de refondation dans lequel l’on avait dit qu’on poussait les Nigériens. La gestion discrète de la question lancinante de la lutte contre l’impunité, a fait croire aux Nigériens qu’il y avait des choses que la transition voulait cacher et donc traiter de manière gentille pour couvrir l’honneur de personnes qui, par l’immensité de leurs crimes notoirement connus, ne pouvaient pourtant plus en avoir. Pour mériter l’indulgence d’une « Junte » qui a pourtant justifié son irruption sur la scène politique, par la mal-gouvernance de l’ancien régime, ce, pour débarrasser le pays d’une gestion mafieuse, désastreuse.
Quand encore, après plus d’un an, c’est beaucoup plus les acteurs de l’ancien régime qui occupent les devants de l’administration, l’on ne peut pas croire à cette volonté de châtier d’autant que l’on ne peut pas être juge et partie, et parce que, aussi, l’on ne peut pas, sensément, miser sur ceux qui ont ruiné le pays pour le relever. Comment ne pas poser ces questions quand, à l’inauguration de l’usine de fabrication de fer à béton, le gouverneur de la région de Tahoua, oublieux des exigences de la nation, appelle le promoteur – allez savoir qui c’est – de privilégier le recrutement des jeunes de la région, comme si, sur les sites du pétrole et de l’uranium, l’on ne trouve que les jeunes des régions dans lesquelles ces ressources sont exploitées. De tels discours maladroits sont dangereux et l’on peut se rappeler justement que c’étaient, sous la Renaissance, de tels discours frelatés qu’on avait régulièrement servis aux Nigériens.
Par le choix de ses hommes, donc, le CNSP et sa transition n’ont pas rassuré les Nigériens quand bien même ils l’avaient soutenu. Ils avaient cru parce qu’ils avaient espéré que les militaires avaient une autre démarche qui pourrait conduire aux mêmes attentes car, comme on le dit, tous les chemins mènent à Rome.
Mais, aujourd’hui, quand on écoute les réseaux sociaux, les fadas, les discussions dans les bureaux, les marchés et les rues, l’on peut entendre des malaises grouiller : on commence à croire qu’on se serait trompé de soutien. Or, les Nigériens n’avaient pas soutenu pour en arriver là, c’est-à-dire sur ces rivages vers lesquelles la transition est en train de les conduire. Les copinages que l’on voit, le choix douteux de certains cadres, le PACA qui est revenu en force, ne sont pas en effet de nature à rassurer les Nigériens notamment de ce que l’on est dans la voie du changement souhaité. Est-ce pour promouvoir la même médiocrité que les Nigériens avaient alors accueilli et soutenu le coup d’Etat ? Il faut éviter à ce peuple de nouvelles déconvenues.
Il est temps que la transition se ressaisisse, revoie sa communication et pose des actes moins ambigus qui peuvent rassurer que ce régime travaille pour le Niger, pas pour un clan ou pour un homme – suivez mon regard. Sans doute qu’elle entend aujourd’hui ces colères encore muettes mais sincères et vraies et elle ne doit pas faire comme si de rien n’était. Le soutien de ce peuple qu’on pourrait, un an après, mépriser, a pourtant été déterminant pour préserver la transition et dissuader les forces impérialistes à partir et à certaines chancelleries de rester, convaincues de voir, à travers le large soutien, un acte qui légitime le coup d’Etat, et partant, les nouvelles autorités qui en sont issues.
Il n’y a donc pas de malice : ou on joue pille, ou on joue face. La transition peut faire son choix pour l’Histoire. Mais ça bavarde beaucoup dans le pays.
Alpha