Le CNSP peut-il comprendre la soif de justice des Nigériens ?
L’avènement du CNSP au pouvoir a donné beaucoup d’espoir aux Nigériens. Mais, plus les jours passent plus l’on voit la situation se tasser, le régime en place ne pouvant aller aux grandes décisions pour prendre les taureaux par les cornes en agissant sans faiblesse contre la grande délinquance économique et la grande corruption qui ont ruiné le pays, faisant preuve d’un attentisme agaçant face aux questions de justice par rapport auxquelles on attend de lui de la fermeté. Les Nigériens, sur une telle attente, ont donné le temps au CNSP pour voir clair dans la gestion dont il a hérité, mais, ils ont l’impression qu’il traine les pas et qu’il hésite à écouter et à entendre la demande pressante des Nigériens de vider bien de contentieux. Faut-il croire qu’on lui aura fait croire que demander des comptes à certains de l’ancien régime pourrait pousser à une complication de la situation du pays, parce que certains, jouant sur certaines subtilités et autres identitarismes abjects pour faire feu de tout bois, pourraient réussir à « mélanger » les Nigériens à un moment où on l’entend, partout, le Niger, face aux immenses défis, a besoin de sa cohésion, de se rassembler et de marcher ensemble ? C’est de l’enfumage et de l’intimidation. Ne payeront que ceux qui ont volé. Et puis, est-ce que le vol a profité à tous ceux qu’on voudrait ameuter ? Personne ne peut accepter qu’un autre l’instrumentalise pour l’utiliser dans un combat qui n’est pas le sien.
Un tel discours calculé ne vient donc que de ceux qui cherchent les moments de se protéger de leurs fautes pour lesquelles ils savent qu’ils devraient payer. Mais, le CNSP fait face à une énigme : comment rassembler dans les malaises ? Comment rassurer tous les Nigériens quand ceux qui les ont fait souffrir et leur ont volé leurs biens et leurs deniers devraient être dans la marche actuelle, n’ayant pas encore soldé leurs comptes avec l’Etat ? Peut-on donc croire qu’on pourrait forcer à aller ensemble, tant que ceux qui ont volé devraient continuer, sous le fallacieux prétexte d’une unification de tous les Nigériens autour de la révolution, à protéger le butin de leur gangstérisme à la tête de l’Etat ?
On voit bien, après tant de questions délicates, que le CNSP ne pourrait être que dans l’embarras du choix quand il sait ce qu’il a promis aux Nigériens et que, peut-être, pour d’autres calculs, il se retrouve dans l’hésitation, craignant que les déflagrations des déballages auxquelles pourraient donner lieu d’éventuelles poursuites contre des ténors de l’ancien régime qui pourraient effrayer le CNSP de ce que leurs déboires pourraient l’atteindre, ce d’autant que certains de ses membres seraient aussi comptables, à un titre ou à un autre, prétendent certains détracteurs, de leur gestion. Ce n’est pas vrai. Le peuple savait bien que des acteurs militaires étaient bien proches de certains responsables de l’ancien régime quand même il avait soutenu sans réserve des FDS qui venaient les libérer pour être capable, finalement, de leur pardonner leur collaboration normale, dans leur rôle de soldats, aux côtés d’un régime qu’ils ont d’ailleurs fini par déprécier et chasser du pouvoir pour, disait-il, « sauver la patrie ». De quoi donc peuvent-ils avoir peur à faire un état des lieux et à demander des comptes à chacun, sans état d’âme, au nom de la responsabilité d’Etat ? La vérité est qu’aujourd’hui, face aux cas immenses de crimes dont on accable l’ancien régime, et que personne ne peut démentir, il est impossible de défendre la Renaissance et ses Renaissants en ce qu’ils ont posé comme actes répréhensibles pendant douze années de gouvernance sans boussole si ce n’est celle qui oriente vers l’enrichissement illicite qui était devenu, sous le socialisme, le sport favori des camarades. C’est à juste titre d’ailleurs que les Nigériens se posent un certain nombre de questions, finalement obsessionnelles.
Peut-on laisser passer la gestion catastrophique du pétrole, comme ça et nous faire croire qu’on aime ce pays ?
Peut-on taire cette autre affaire de l’Uraniumgate au nom de prétendus copinages à préserver ? Peut-on, finalement, croire qu’on peut ruser avec un peuple pour jouer avec lui au cache-cache ?
Rien, prévient l’adage, ne peut ombrager le soleil qui se lève.
Ceux qui, de l’ancien régime, après le coup d’Etat, partaient en prison, payaient-ils pour tous ?
La question est tout à fait pertinente. Le CNSP peut-il avoir cru, dans ses calculs, qu’en envoyant certains acteurs de l’ancien régime, qu’ils pouvaient amener les Nigériens à se satisfaire de cette « sanction » pour oublier la cause principale du crime et de la plaie du régime défunt ? Il va sans dire que non, car pour les Nigériens, ceux-là ne sont que des menus fretins qui ne peuvent pas uniquement payer pour le régime qui aura fait le plus de mal à ce pays tant par sa gouvernance de la démocratie que par sa gestion économique du pays.
La question de la justice ne saurait donc être escamotée si tant est que la transition veut maintenir le lien vital avec le peuple. Et l’on a si souvent dit, quand on dirige un Etat, on n’a que faire des individus, l’on n’agit que pour l’intérêt général et on peut croire que les intérêts de quelques individus ne peuvent passer avant ceux de toute la nation. Mais, personne ne peut être dans le secret de la transition pour rassurer les Nigériens que la transition fera ce que les Nigériens attendent d’elle. Le problème, c’est que la montre joue contre la transition et elle doit comprendre que la rupture avec le peuple pourrait être plus brutale et fatale pour le pays et, elle doit, pour cela, jouer à le conforter pour maintenir la confiance et la dynamique engagée qui a plus de chance de rassembler plus de Nigériens autour d’un certain idéal.
Pardon et réconciliation, mais non sans justice
Les Nigériens qui ont tant souffert ces dernières années de la gestion du PNDS-Tarayya, savent bien le prix du pardon. Mais, il est difficile, lorsque les cœurs portent encore ses rancœurs et des larmes inconsolées, et quand les rancunes sont encore tenaces, que les hommes aient le courage de se serrer les mains, d’oser faire le pas vers l’autre. La gouvernance des socialistes était d’autant allée loin que les Nigériens, comme jamais, sont arrivés à se détester à un tel point où, certains ne se parlent plus et, pire, ne partagent aucun espace, même ceux que des événements sociaux obligent à vivre ensemble dans la recommandation des devoirs de solidarité ou de compassion qu’imposent les valeurs culturelles. Il faut donc que les Nigériens soient convaincus que tout ce qui a été volé – biens, terres, biens immeubles et argent – est revenu dans le patrimoine de l’Etat et que personne de ceux qui ont volé, n’a réussi à dissimuler ce qu’il a indûment acquis. Mais aussi, il faut, pour la gravité des actes qui ont été posés, que les grands criminels aillent répondre de leurs actes devant la justice ? Le Niger ne peut pas échapper au schéma : « vérité-réconciliation ». Tant qu’on n’aura pas posé les jalons de la justice, il est difficile d’aller à une vraie réconciliation qui préservera mieux l’avenir commun de Nigériens. Or, le Niger voudrait profiter de cette transition pour tout évacuer, taire les ressentiments afin de réapprendre à vivre ensemble. Ça parle beaucoup ces derniers temps dans le pays et ce n’est pas bon signe. Les Nigériens, après un an de gestion du pays par le CNSP, en ont trop sur le cœur. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux ces Nigériens qui disent leurs inquiétudes vis-à-vis de la marche du pays quand, pour eux, rien ne bouge du côté de la Justice et qu’on ne puisse rien entendre même par rapport à ceux qui sont en prison et qui doivent en principe savoir à quelle sauce ils devraient être mangés dans la connaissance des torts qui leur sont reprochés et, pour lesquels, depuis plus d’un an, ils sont en prison. Au même moment, ils se demandent pourquoi d’autres, depuis plusieurs années, sont encore gardés en prison alors qu’un vent nouveau, disait-on aux Nigériens, venait souffler dans le pays ? Si ces derniers sont maintenus en prison, est-ce la preuve que l’armée elle-même ne peut pas faire sa réconciliation pour ensuite réconcilier les Nigériens ? Cela donne à réfléchir et, sans doute aussi, à s’inquiéter pour le pays. Et la France, rancuneuse, regarde, attendant que le pays sombre. Il ne faut lui donner cette opportunité.
Cette transition doit être, forcément, la meilleure qui remettra le Niger sur les rails. C’est ça notre combat. Et notre rêve.
Mairiga