La justice demeure le socle de la paix
Depuis les événements du 26 juillet 2023 et, tout dernièrement, avec la tenue des Assises Nationales, le Niger a amorcé un tournant décisif dans sa marche résolue vers la souveraineté assumée et le progrès souhaité. Les cris que l’on a entendus au forum traduisent à la fois la profondeur des malaises nigériens et le besoin immense de justice de la part d’un peuple qui s’est dégoûté de la démocratie du fait du comportement des acteurs politiques. Les nombreuses réflexions menées à l’occasion de ce forum convergent toutes vers le devoir de justice. On l’a dit et écrit, d’ailleurs, depuis que les militaires arrivaient au pouvoir pour intégrer dans le processus enclenché cet impératif, ce d’autant que, par les différentes expériences à travers le monde, l’on peut comprendre qu’il ne peut y avoir d’issue que celle de rendre justice, d’abord pour passer à d’autres choses et, notamment, au pardon et à la réconciliation. Tenir à ce devoir de justice n’est pourtant pas une façon de vouloir régler des comptes, entendu que tous les sujets soulevés sont fondés pour mériter d’avoir le traitement judiciaire qui sied. Au nom de la justice.
Un pays de malaises…
Le pays dont héritait le CNSP est un pays malade, fait de malaises multiples, rempli de haines, et souvent, hélas, de rancunes tenaces. Il est arrivé que les Nigériens ne sachent plus s’aimer, ne mettant leur intelligence dans bien de cas à ne se faire que le mal. Quand on sait comment ce pays a été géré, comment les relations politiques ont été entretenues et gérées, comment l’on s’est souvent parlé dans le pays, quand on sait comment l’on a méprisé certains autres Nigériens, quand on sait à quel point l’exclusion a été instituée comme mode de gouvernance, l’on ne peut que se rendre compte de l’immensité de la tâche qu’a le CNSP pour redresser le pays et faire en sorte que, dans le pays, les Nigériens puissent réapprendre à se faire confiance et à marcher ensemble pour porter les mêmes ambitions pour le pays. Soigner tant de blessures saignantes demande sans doute la poigne. Le redressement ne peut donc pas se faire avec certaines mollesses et certaines considérations. Il est important aujourd’hui, comme l’a demandé le forum et comme on le voit au Burkina Faso, que les autorités nigériennes s’attaquent à la question de l’impunité sans faiblesse, car il s’agit d’un point sur lequel les Nigériens l’attendent et sur lequel ils ne peuvent concéder aucune concession qui friserait la compromission. Les pratiques qu’on a observées la dernière décennie ne doivent plus avoir cours dans le pays. Il nous faut changer. Et notre Justice avec.
Demande populaire de justice
C’est depuis le coup d’Etat que les Nigériens ont attendu de voir de la part du nouveau régime des signes qui peuvent rassurer que les motifs évoqués dans la déclaration issue de la prise du pouvoir sont réellement ceux qui ont motivé le changement de régime intervenu dans le pays. Mais, même lorsque bien de ténors de l’ancien régime sont en prison depuis plus d’un an, l’on a pu lire chez le peuple que ce n’était pas suffisant et surtout qu’on a pu voir chez ce peuple impatient un certain sentiment de doute, et même souvent quelque pessimisme quant à la volonté du régime à aller à cette attente populaire. On connait bien de dossiers qui ont éclaboussé la gestion de l’ancien régime et bien d’autres acteurs qui, jusqu’ici, ne sont pas inquiétés alors que leurs gaffes sont notoirement connues, toute chose qui pourrait être à l’antipode des déclarations des militaires au pouvoir.
Le forum national vient confirmer cette attente…
Parmi les conclusions des Assises Nationales, l’on peut retenir celle qui, avec insistance, avait été faite par les participants pour demander de réparer certaines plaies de notre société en donnant les suites judiciaires qui s’imposent à bien de cas qui avaient alors été cités. On ne badine pas avec le pouvoir.
On aura alors entendu que rien ne pourra marcher tant que les questions de justice ne sont pas réglées dans le pays. Et, il n’y a pas à tergiverser sur ces questions. Ce n’est pas qu’un besoin exprimé par la rue mais par l’ensemble de la société nigérienne, toute chose pour laquelle le CIRAC, dans une de ses dernières déclarations, disait que la rupture avec l’ancien système n’est pas totale car les mêmes intouchables sont demeurés intouchables. Par certaines indulgences, l’on avait eu l’impression – à tort ou à raison – que les militaires entretiendraient quelques relations obscures avec certains milieux de l’ancien régime. Cela, pourtant, ne se devait pas quand on sait que les militaires, en prenant le pouvoir, avaient clairement fait entendre qu’ils ne venaient pour rien, sinon que pour le Niger, ne pouvant s’encombrer de satisfaire un clan contre un autre et contre le pays.
C’est à ce dernier courage que doit aller le CNSP.
Alpha