Quand le désert nourrit le fleuve
Le Niger est assurément un pays de paradoxes, plus surprenants les uns que les autres. Dont celui du désert qui nourrit le fleuve. D’une superficie estimée à environ 1 267 000 km2, les deux tiers du pays sont couverts par le désert, avec toute l’aridité et le caractère inhospitalier qu’on lui connait. Pourtant, c’est ce désert qui alimente, ces derniers temps, certaines régions, en particulier la capitale Niamey, autant dire les régions du fleuve, en produits agricoles de toutes sortes et à des prix défiant toute concurrence, selon la formule consacrée.Ceci est un des paradoxes les plus criards de notre pays, le Niger. Malgré l’aridité du climat, la rareté de la ressource eau de surface que l’on ne trouve que dans les quelquesrares et précieusesoasis, les oueds, etles puits, les producteurs maraichers d’Agadez, la région désertique par excellence, alimentent quotidiennement la capitale et ses environs en plusieurs variétés de produits agricoles. Depuis plusieurs années, c’est cette région qui achemine, des fois dans des conditions de transport difficiles, avec le mauvais été des routes, la distance, des produits frais et autres agrumes pour des expositions ventes à la place Toumo, place emblématique de la capitale. Les maraichers d’Agadez ont y organisé encore, en début de ce mois de février 2025, leur 14ème foire, au cours de laquelle quelques 250 producteurs maraichers agadéziens ont acheminé à Niamey des centaines de tonnes de ces produits.Et, à chacune de ces foires, les prix de nombre de produits vendus chèrement à Niamey connaissent une baisse drastique, au grand bonheur des consommateurs niameyens. A l’instar du cours de l’or après le passage d’Askia Mohamed à la Mecque, tel que nous le rapportent certains historiens. Quelle curiosité que de voir, pendant ces périodes de foire des maraichers d’Agadez, les riverains du 3ème grand fleuve d’Afrique se bousculer, à longueur de journée, pour se procurer des fruits et légumes produits à environ 1 000 km, dans un milieu au climat extrêmement difficile. Curieux et amusant mais, en même temps pognant, ce spectacle de riverains du fleuve Niger et de ses affluents, son bassin versant, se pousser pour acheter des fruits, des légumes et même du blé produitsdans le désert. Et dire qu’ils vivent en permanence au bord du fleuve, un fleuve au demeurant en crue une bonne partie de l’année. Si ceux qui vivent dans la zone désertique peuvent produire jusqu’à ravitailler les autres régions dont celles qui ont plus de potentialités dans le domaine – terres cultivables, eaux de surface en abondance, bras valides – que dire des populations riveraines du fleuve. Qu’est-ce qui manque ? De la volonté et de la détermination ? Fort possible. Car, les moyens, c’est l’homme qui se les donne, en les fabriquant, en les achetant, avec justement le fruit de son travail. Un véritable cercle vertueux. Dieu ayant donné à tous les hommes les mêmes moyens à la naissance : les bras valides, les pieds solides, les yeux ; et l’esprit qui est le plus important de tous. Et c’est ainsi que tous les hommes et tous les peuples du monde se sortent de situation une fois jetés dans un monde qu’ils doivent travailler et transformer, pour arracher leur pitance quotidienne et, éventuellement, vendre le surplus, puisque nous sommes dans une société de consommation et un monde de concurrence, oû il faut investir un capital pour faire du profit., et créer ainsi de la richesse profitable à soi-même et à l’économie nationale‘’Le fleuve Niger peut à lui seul nourrir toute la population Nigérienne’’, avons-nous titré dans une de nos précédentes parutions. En lieu et place, c’est ‘’Le désert qui nourrit le fleuve’’. Pour rappel, le fleuve Niger, d’une longueur de 4 200 km, traverse le Niger sur 500 km. Il a plusieurs affluents dont la Tapoa, le Mekrou, la Sirba, le Dargol, le Gorouol, le Diamangou, le Gouroubi. Ses deux rives totalisent une longueur de 1 000 km. Avec des dizaines de milliers d’hectares de terres aménageables pour de multiples activités agricoles irriguées, l’on peut, tout le long de l’année, avec la volonté et la détermination, produire à volonté, tout : fruits, légumes, céréales. Le fleuve Niger, avec ses milliards de m3 d’eau qui se jettent dans la mer chaque année, peut quand même servir à autre chose qu’à la blanchisserie, la navigation, au jardinage contemplatif et au tourisme exotique. Il est temps, pour les populations riveraines, de le mettre en valeur, le travailler et, à terme, en faire un vecteur de souveraineté alimentaire et un levier de développement socioéconomique du pays.
Bisso