À quand l’examen de passage des ministres ?
La transition au Niger, peine à convaincre. C’est un fait. Et pour cause, elle a choisi de régler les problèmes du pays avec ceux qui sont les problèmes ou qui ont donc créé les problèmes, imposant à des acteurs souvent vertueux, des collaborateurs dans bien de cas peu recommandables surtout quand ils n’ont pas les compétences requises ni même l’intégrité recommandée. Tenue par certains copinages, la transition n’a pas toujours eu les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Les Nigériens n’ont pas manqué de le dénoncer, appelant, si tant est que le CNSP peut marquer son passage à la tête de l’Etat, à changer de paradigme, en revoyant certaines personnalités positionnées dans son système qui, d’une part ne lui donnent pas de chances réelles de réussir sa refondation et d’autre part, hypothèquent la confiance nécessaire entre lui et le peuple du Niger.
Lorsque, dans son discours, le chef de l’Etat fait entendre qu’après avoir confié à chaque département ministériel un cahier des charges, l’heure vient pour lui de demander des comptes à chacun pour apprécier, à partir des résultats de chacun, les performances des différents acteurs et on l’imagine, pour décider de ceux qui devraient mériter de faire partie du gouvernement et de ceux qui devraient en être congédiés. Tiani, demande ainsi aux Nigériens d’attendre encore.
Jouer à la prolongation…
En écoutant cela, l’on est bien obligé de voir de la procrastination de la part du chef de l’Etat qui, alors que l’on annonçait pour imminent depuis des mois le remaniement du gouvernement, remet les choses à plus tard, ne donnant aucun horizon, y compris pour sa transition, notamment par rapport à un probable changement de l’équipe gouvernementale pour enfin jouer sur ce qui pourrait aider à rendre le gouvernement plus efficace. Mais cette prolongation, peut-elle être à l’avantage de la transition ? Il va sans dire que la montre joue contre la transition où, déjà, certaines impatiences venant de ceux qui, sevrés du pouvoir à la suite du coup d’Etat, souffrent déjà de manquer ses privilèges et ses ors, et piaffent d’impatience de revenir occuper les devants, sans doute pas pour travailler pour le Niger mais pour régler des comptes aux Nigériens qui ont soutenu, y compris, peut-on l’imaginer, aux militaires au pouvoir. D’ailleurs, pour qui connait leurs parcours et leurs sinistres palmarès, qui n’ont-ils pas trahi en politique ces hommes pour qui la morale ne saurait avoir de place en politique ? Ils n’ont pas de cœur et ne savent jouer que pour leurs intérêts, le pays ne leur servant que d’alibi, la démocratie de justifications car ils ne croient à aucun.
La transition, peut-elle savoir que ceux qu’elle chassait du pouvoir, tout en étant officiellement opposés, du moins en désaccord, pourraient bien s’entendre pour récupérer le pouvoir, en pactisant avec cette France à laquelle les deux sont attachés – et c’est connu de tout le monde – pour préserver leurs intérêts dans le pays de Macron qui, curieusement, depuis quelques longs mois, alors qu’il ne cesse d’accuser Issoufou de trahison politique », ne trouve plus à redire sur l’homme, dont l’expertise en matière de complot – c’est Feu Issoufou Bachar qui dit connaitre l’homme plus qu’un autre, à avoir tout le temps son crayon et sa gomme pour faire et défaire ses plans d’attaque – est bien connue pour rassurer l’Elysée de ce qu’il a les moyens de nuire à la transition pour l’aider à s’en débarrasser. D’un tel homme, la France peut facilement fumer le calumet de la paix pour arriver à ses fins. Issoufou est une énigme, cela est une certitude.
Mais alors quand, les ministres passeront-ils devant le CNSP leur examen de passage ?
Lorsque rien n’est donné pour comprendre que le CNSP a conscience des urgences qu’il y a pour lui de rectifier rapidement, faut-il croire que, pris dans l’engrenage des copinages et du PACA – Parents, Amis, Connaissances et Allié – il ne sait plus comment faire, pour envoyer certains pour insuffisance de résultats au risque de déplaire à quelques acteurs, notamment du CNSP et créer ainsi quelques frustrations en son sein ? Lorsque, arrivant au pouvoir, chacun s’est empressé de faire nommer le sien, contentant chacun pour son soutien à la transition, il est clair le CNSP qui venait pour une révolution, partait sur des mauvaises bases. La preuve est qu’aujourd’hui, il prend consciences de ses fragilités et de ce qu’il ne peut que lui être difficile d’avoir plus de pouvoir à gérer son pouvoir, obligé de tenir compte de certaines susceptibilités qui lui compliquent pourtant les choses.
Faut-il donc voir, à travers un report sine die d’un probable changement de l’équipe, une impuissance du CNSP ?
L’on est bien tenté de le croire. C’est à croire que chacun, tenu par la force de celui par lequel il est arrivé au gouvernement, n’en fait qu’à sa tête, refuse d’écouter des critiques fondées, et ainsi, l’on peut voir que les hiérarchies ne fonctionnent que peu au sein d’un tel gouvernement, notamment parce que certains pourraient croire qu’un premier ministre ne peut rien contre eux et pourraient s’en foutre tout simplement. Un tel gouvernement ne peut pas réussir et le CNSP est obligé d’ouvrir les yeux pour voir les tares qui l’empêchent d’avancer, d’aller à des transformations profondes qui sous-tendent la révolution qu’il prétend porter depuis le 26 juillet 2023.
Choisir sa voie…
Dans un pays qui va mal, et où tout devient défi, face à de nombreuses adversités, connues et inconnues, on ne tergiverse pas. Il faut donc aller au courage et décider de ce que l’on doit faire pour éviter des faux-fuyants qui pourraient être tragiques. Quand ça marche dans un domaine, on le sait tout de suite. Faut-il se fier aux dires des acteurs pour croire que ça marche ? Qui présentera alors un bilan qui compromettra sa carrière de ministre ? On voit bien que la démarche annoncée pourrait ne pas être crédible quand, ce sont ceux qu’on juge qui devraient dire leurs succès. Pourront-ils dire leurs insuccès ? Ce n’est pas évident. Une autre voie est sans doute possible pour apprécier, le travail au niveau de chaque département ministériel, pour savoir objectivement les transformations qui ont été apportées. Il est facile de savoir ce qui a fondamentalement changé les choses dans un domaine pour apprécier la qualité du travail qui s’y fait. Au niveau des mines par exemple, on sait que beaucoup de permis ont été retirés, que beaucoup de contrats ont été remis en cause, que souvent, en l’absence de partenaires qui ont choisi de s’en aller, avant de le regretter, le Niger reprenait le contrôle total de la production dans des domaines stratégiques. Dans d’autres domaines, ils sont nombreux à se planter dans la routine, dans les mêmes folklores qui ne font rien avancer car les vrais problèmes ne sont pas touchés. Et cela, tout le monde le sait. C’est peut-être perdre encore du temps que d’aller à cet exercice peu utile de l’examen de passage alors qu’un succès ne se raconte pas, il se vit.
Ali Soumana