Un élément culturel essentiel de la société nigérienne
En décembre 2024, c’est Dosso, la cité des Djermakoye, qui accueillait la 46ème édition de la lutte traditionnelle connue pour être le sport-roi du pays. Depuis qu’elle a été instituée comme sport national, traduction de notre identité culturelle nationale, la lutte traditionnelle n’a jamais cessé de drainer des foules et des passions qui montrent bien qu’elle est éminemment ancrée dans nos cultures pour être un vecteur de sociabilité, de sportivité, de cohésion, de fair-play, de tolérance et de brassages du peuple à travers sa diversité et son sens éthique du combat. Aujourd’hui, beaucoup de lutteurs, depuis l’année où elle avait été instituée, l’ont marquée de leurs noms dont bien de passionnés se souviennent encore avec une admiration jamais éteinte, toujours lumineuse et brillante de leurs gloires. On aimait alors les lutteurs pour leurs talents, pas parce qu’ils seraient d’une région ou d’une autre. Langa Langa avait alors, partout dans le pays, des admirateurs. L’édition de Dosso 2024 ne démentira pas cette place qu’occupe la lutte traditionnelle dans les cultures que les Nigériens ont en partage dans un pays divers certes, mais plus que jamais ancré dans son essence de nation en construction.
Bonne organisation…
Cette édition, à tout point de vue, a été un succès de par son organisation que bien d’observateurs jugent impeccable. Le ministre de tutelle, le Colonel-major Abdourhamane Amadou, s’y est impliqué avec tous ses collaborateurs, faisant de l’édition 2024 la meilleure depuis quelques décennies où le championnat perdait en prestige. La nouvelle réglementation a surtout permis de contenir certains glissements qui, depuis quelques années, faisaient perdre à ce sport le rôle de ferment qui cimente la cohésion sociale dans le pays. La sévérité qui sanctionne les combats truqués et les réclamations abusives pour enlever à la lutte toute sa saveur sont, entre autres, les règles nouvelles qui ont permis de montrer aux lutteurs tout le sérieux que l’on met désormais dans ce sport pour demeurer un instrument politique au service de l’unité des Nigériens de laquelle certains l’ont dévié ces dernières années.
Un sport ouvert sur le monde…
Son engouement a fini par charmer le monde pour y voir un lieu de synergies sociales qui rassemble et fait communier un peuple qui a fini par comprendre le symbole de la sportivité de la lutte, élément culturel essentiel de la société nigérienne. L’on a vu un représentant marocain et l’ambassadeur de Chine assister à ce championnat qui a, encore une fois, tenu, pendant dix jours, en haleine tout le pays avec, pour enjeu, un champion en titre, qui, six fois vainqueur dont trois fois successivement, partait pour un autre sacre que bien de fans de ce sport voudraient voir qu’on lui arrache. C’est dans les règles du sport, l’homme par nature, aimant le changement…
Une fin époustouflante….
Après une semaine de compétitions âpres, l’affiche du duel de la finale mettait aux prises le champion en titre, Kadri Abdou alias Issaka Issaka de Dosso et Abba Ibrahim de l’écurie de Niamey, une affiche alléchante qui promet des surprises ainsi qu’on le verra à l’issue du combat. Les deux gladiateurs, au coup de sifflet, après s’être mesuré par les regards, finirent, après une interruption courte, par reprendre le combat. Le premier contact fut un choc de titans, après lequel, le pied ayant flanché, Abba réussit à déséquilibré son adversaire qu’il laisse tomber sur le côté, mordant le sable, pour laisser, à travers le pays et dans l’arène, de grands cris qui annoncent la chute du dieu des arènes, enfin déchu pour entrevoir, on le croit raisonnable, sa retraire après tant de sacres mérités qui font de Issaka Issaka le plus grand lutteur de l’histoire de la lutte traditionnelle du Niger. Ainsi, après 2015 et 2016, puis 2019, Issaka Issaka a fini par conserver le sabre en 2021,2022, et 2023, pour ne le perdre qu’en 2024, arraché par le lutteur de Niamey qui a, aujourd’hui, le vent en poupe. Ainsi, sur les huit sabres remportés par Dosso, six sont gagnés par Issaka Issaka. Il devenait alors une légende de la lutte traditionnelle dont le leadership n’a été que difficilement contesté. Ainsi finissait l’épopée d’une légende de la lutte traditionnelle du Niger
Une clôture en grand format…
La fin de la lutte traditionnelle a été marquée par la présence des trois Premiers ministres de l’AES : Ali Mahaman Lamine Zeine qui recevait la veille ses hôtes du Burkina Faso et du Mali à Niamey avant de se rendre à Dosso pour la finale. Cette présence a été jugée par le ministre des Sports et de la Culture « comme une source d’inspiration » pour une jeunesse qui a aujourd’hui conscience des défis de l’heure pour comprendre l’urgence qu’il y a pour nos peuples à être ensemble, de s’unir davantage et de faire face, ensemble, à leur destin de peuples libres. La solennité de cette clôture est assez symbolique, notamment par ces présences, pour traduire l’attachement des trois peuples de l’AES et de leurs dirigeants, à marcher ensemble et à triompher ensemble pour la dignité de l’homme sahélien, et au-delà, pour l’homme africain souvent reclus dans ses peurs d’être libre.
En venant au Niger, assister à cette finale d’un sport aux symboles très forts, les premiers ministres de l’AES venaient ainsi traduire une solidarité avec le peuple du Niger et partager des valeurs communes dont la lutte est l’expression la plus achevée. Là est toute la portée politique de la participation des trois Premiers ministres à cette messe politique qui vient montrer des solidarités nouvelles, plus agissantes, comme la CEDEAO n’en avait jamais été capable. L’AES travaille à des solidarités vraies, à une intégration plus sérieuse qui rapprochera mieux les peuples pour les amener à agir ensemble et à triompher ensemble. C’est sans doute pourquoi, dans son discours de clôture, le ministre des Sports, voyait dans l’animation de l’arène Salma Dan Rani le symbole de notre résilience autant que de notre force à nous battre pour nous-mêmes. Il dira, en direction des lutteurs, qui après avoir égayé les Nigériens, peuvent enfin rentrer, chacun chez lui, pour se reposer et se préparer à d’autres échéances : « Vous avez montré la force, la combativité du Nigérien », celle-là même avec laquelle nous faisons courageusement face aux ennemis.
Mairiga