Après l’enthousiasme des lendemains des évènements du 26 juillet 2023, c’est la vague de froid qui commence. «Le Cnsp manque de vision ». « Il y a trop de cafouillages et de tâtonnements dans la conduite des affaires publiques ». « Rien n’a vraiment changé, nous contrôlons la situation ». « Le Cnsp est complice de l’ancien président Issoufou Mahamadou ». Ces sentences, vous les entendrez ou les lirez sur les réseaux sociaux, dans les salons feutrés ou dans les fadas. Trois mois après l’avènement du Cnsp, pour de nombreux Nigériens, l’espoir d’un renouveau s’estompe petit à petit. Dans une presque indifférence d’un Cnsp imperturbable. Le mur édifié au petit matin du 26 juillet, se fissure.
En toile de fond de ce coup de froid qu’on note chez les Nigériens, il y a la conduite de la Transition, marquée par les tâtonnements d’abord, puis par les atermoiements et les louvoiements du Cnsp. Après avoir maintenu presque en l’état l’administration publique et parapublique minée par la corruption, concédant de facto au Pnds Tarayya ses privilèges et ses atouts, au grand dam des Nigériens qui s’attendaient à un changement notable à tous les niveaux, le Cnsp a enfoncé le clou en maintenant les conseils élus. Pourtant, il a suspendu la Constitution. « Drôle de coup d’État», s’étaient écriés de nombreuses voix. Mais le Cnsp est resté sourd aux récriminations. Tout comme il restera insensible aux critiques portées contre la composition du gouvernement.
Malgré les récriminations et les appels à la raison, le Cnsp fonce, tête baissée, comme s’il a un autre agenda que celui du peuple nigérien.
À l’exception du départ des troupes françaises, il faut craindre que l’avènement du Cnsp ne soit la copie pâle d’un régime vomi par les Nigériens.
Les secrétaires généraux des ministères et des gouvernorats à leurs postes, plein de directeurs généraux encore maintenus ou carrément confirmés par le général Tiani, l’administration publique et parapublique est toujours entre les mains du Pnds Tarayya. Si l’on y ajoute la quasi-inertie face à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, il y a bien de quoi se demander à quoi le Cnsp prépare les Nigériens. Malgré les récriminations et les appels à la raison, le Cnsp fonce, tête baissée, comme s’il a un autre agenda que celui du peuple nigérien.
Dans toutes les déclarations de soutien, sincères et massives enregistrées à travers le vaste Niger, la lutte contre la corruption et les infractions assimilées est en bonne place. Mais, pour toute ré- ponse, le Cnsp s’est contenté de créer une commission de lutte con- tre la délinquance économique, fi- nancière et fiscale qui est à ce jour une coquille vide. Plus d’un mois après sa création, la Coldeff est demeurée désespérément sans personnel. Un autre agenda, soup- çonne-t-on dans certains milieux. Les Nigériens ne comprennent pas cette lenteur excessive à pro- pos d’une question à laquelle ils attachent le plus grand prix.
Le soupçon de connivence entre le Cnsp et l’ancien président Issoufou Mahamadou est en train de s’imposer de plus en plus au sein de l’opinion nationale. Toujours dans l’indifférence surprenante des autorités militaires qui continuent à jouer la flute de la souveraineté nationale et de la nécessaire résilience des Nigériens
Sans le dire ouvertement, les Nigériens parlent. Ça parle beaucoup. Sur les réseaux sociaux notamment, la parole, libérée, se déchaîne. Et pour de très nombreux Nigériens, le bout de l’Iceberg commence à immerger. Avec horreur ! Le soupçon de connivence entre le Cnsp et l’ancien président Issoufou Mahamadou et en train de s’imposer de plus en plus au sein de l’opinion nationale. Toujours dans l’indifférence surprenante des autorités militaires qui continuent à jouer la flute de la souveraineté nationale et de la nécessaire résilience des Nigériens. Jusqu’à quand ?
La rumeur de cette connivence gonfle depuis qu’une militante du Pnds Tarayya, en l’occurrence l’ancienne ministre de l’Éducation nationale et ancienne présidente de la Haute cour de justice, la dame Ali Mariama, s’est farcie d’un vocal diffusé sur les réseaux sociaux. Dans ce vocal qui est en train de faire le buzz, Ali Mariama, manifestement partisane de Bazoum Mohamed, a révélé qu’ils ont des informations faisant état d’un com- plot ourdi par Issoufou Mahamadou et qui doit non seulement aboutir à l’exclusion de Bazoum Mohamed du parti, mais bien sûr à une transition et des élections qui doivent consacrer le retour au pouvoir de son prédécesseur.
Il ne s’agit plus de tâtonnements, ni d’atermoiements et de louvoiements du Cnsp, mais bien d’un agenda politique de celui que les Nigériens considèrent comme l’alpha et l’oméga de leurs malheurs. Certains ont vite fait de voir là l’explication à la non-arrestation d’Issoufou Mahamadou, pourtant signataire des accords de coopération militaire illégaux dénoncés par le Cnsp. Curieusement, il n’est pas encore sous le coup d’une ac- cusation pour haute trahison, Mais Bazoum Mohamed l’est déjà, même si cela, aussi, res- semble fort bien à un feu de paille. Car,depuis l’annonce of- ficielle, aucun acte judiciaire n’a suivi. Un simple coup médiati- que ? C’est probable.
« Il est illusoire, voire insensé, de convaincre à un usage juste, honnête et suivant les attentes de Nigériens lorsqu’il est difficile de faire rentrer l’Etat dans ses droits ».
En dehors des atermoiements et des louvoiements dont le Cnsp est accusé, notamment sur la question de la lutte contre la délinquance économique, financière et fiscale, la conduite générale des affaire publiques tra- duit un pilotage à vue. « Le Cnsp n’a pas de vision », dit-on et ce n’est pas fortuit. L’instance militaire dirigeante ne semble pas se soucier de l’interrelation entre les sujets de préoccupation des Nigériens. « Il est illusoire, voire insensé, de convaincre à un usage juste, honnête et suivant les attentes de Nigériens lorsqu’il est difficile de faire rentrer l’Etat dans ses droits », a fait observer un cadre des Finances qui a requis l’anonymat. Pour- tant, les délinquants sont connus et les dossiers encore plus.
Sur un tout autre plan, les tâtonnements dans la gestion de af- faires de l’État sont trop gros et ne sauraient simplement relever de l’amateurisme.
Le dimanche passé, les téléspectateurs nigériens ont été sur- pris de voir le ministre délégué aux Finances convenir d’une convention partenariale avec les médias…d’État pour une visibilité et une transparence des actions de son département ministériel. Si ce n’est pas, comme le soupçonnent certains, un agenda inspiré de ceux qui tiennent encore les rênes des médias d’État, l’initiative a toutefois de quoi faire sourire. On ne parle pas de tous ces coups médiatiques, si abondamment couverts par les médias que l’on flaire, là aussi, un populisme de mauvais aloi dans les circonstances actuelles du Niger.
Une chose est sûre : de nombreux observateurs font part d’un délitement progressif de l’élan national. Si tel n’est pas l’objectif du Cnsp, il va falloir que le général Tiani et ses frères d’armes se ressaisissent pour redresser la barre.
Le réquisitoire contre cette attitude surprenante d’hommes qui disent être là pour servir selon les aspirations des Nigériens n’est pas tendre et cela est compréhensible. Si la déception n’est pas encore là, elle pointe déjà son nez. Le Cnsp n’a pas intérêt à at- tendre le pourrissement de la situation pour chercher des solutions, la confiance étant difficile à reconstituer lorsqu’’elle est entamée. Une chose est sûre : de nombreux observateurs font part d’un délitement progressif de l’élan national. Si tel n’est pas l’objectif du Cnsp, il va falloir que le général Tiani et ses frères d’armes se ressaisissent pour re- dresser la barre. Ils ont suffisamment ignoré la montée des mécontentements.
Selon certaines informations recueillies de sources politiques crédibles, l’essoufflement de l’élan patriotique est d’ailleurs inscrit en bonne place dans l’agenda d’un clan politique qui a fait tant de mal au Niger mais qui espère tout de même détenir des cartes maîtresses pour rebondir. Il y a de quoi, la gouvernance décriée par le gé- néral Tiani dans son message à la nation et lors de ses sorties médiatiques n’ayant pas connu à ce jour de bouleversements en dehors de la dissolution du gou- vernement et des institutions constitutionnelles. Le Pnds Tarayya, qui avait la haute main sur l’administration publique et parapublique, a gardé ses privi- lèges et ses atouts.
Face aux atermoiements du Cnsp qui semble décidé à ne pas faire le changement d’hommes auquel les Nigériens s’attendent, le risque est gros de voir une désaffection populaire vis-à-vis de la lutte pour la souveraineté nationale.
« Il n’y aura pas de réconciliation véritable sans justice, au préalable », peut-on lire quelque part. Or, Issoufou Mahamadou, qui cristallise toutes les rancœurs, n’a pas visiblement dit son der- nier mot. Selon une source politique qui a requis l’anonymat, nombre de sanctions imposées au Niger sont d’ailleurs maintenues du fait des soupçons de connivence entre l’ancien président et le Cnsp. Le fait qu’’il soit jusqu’ici épargné de toute accusation et de tout mandat de dépôt malgré la gravité des nombreux actes qui lui sont reprochés est une source d’inquiétude qui commence à faire jaser dans tout le Niger.
Laboukoye