Hama Amadou , l’homme vit encore dans les cœurs
Après les hommages de la république, c’est dans son village natal – Youri – à quelques 35 kilomètres de la capitale, qu’une foule immense, avait accompagné la dépouille mortelle de Hama Amadou pour l’inhumer et lui rendre les derniers hommages. Dans le silence grave du cortège impressionnant que l’on n’a jamais vu, des hommes avaient des larmes, pleurant la perte prématurée d’un homme qu’ils avaient tant aimé. La mobilisation pour l’accompagner à sa dernière demeure est sans doute à la fois la preuve de son aura et de ce qu’il représente dans le pays, toutes choses qu’une campagne de dénigrement et de mensonges n’ont pu éteindre. Jamais un homme politique n’a été autant aimé dans le pays. N’est-ce d’ailleurs pour son intelligence politique que bien d’acteurs politiques avaient toujours voulu l’avoir en allié ?
Le Général Baré disait que s’il l’a avec lui, il n’aura besoin d’aucun autre, tant Hama vaut mille leaders. On comprend pourquoi, après sa disparition, tant d’hommages de gens connus et inconnus venaient saluer sa mémoire, spontanément.
En effet, tout le monde a parlé. Dans les rangs de ses amis connus et inconnus, dans les rangs de ses adversaires aussi. Tous ceux qui, à un moment, étaient dans le même parti et dans les mêmes combats, venaient, comme ceux qui, depuis la conférence nationale, le combattaient, ont aujourd’hui des mots doux pour le personnage. Mais d’abord, celui qui, avec un tel acharnement, voulut le détruire jusque dans sa famille, Issoufou Mahamadou, comme si les Nigériens pouvaient tout oublier, revenait, dans un post laconique pour rappeler leurs divergences et les moments de convergences calculées tant qu’il pouvait le savoir utile à ses ambitions, taisant ses rancœurs pour marcher avec lui. Afin de gagner sa confiance et son soutien, il dira alors, s’il faut encore le croire, « Je pleure la perte de l’un de mes meilleurs alliés. Je pleure la perte d’un de mes meilleurs adversaires ». Mais Hama Amadou n’a plus que faire d’adversité : il s’en est allé, n’ayant porté de haine pour personne, pardonnant même à ceux qui lui ont fait vivre les pires inimitiés, heureux sans doute que le destin l’ait privé des affres des douleurs des longues maladies éprouvantes qui exposent pour partir en silence, même si cela devrait se faire brutalement. Quant à l’autre – Bazoum Mohamed – dans le pétrin, il n’a pas l’occasion de s’exprimer sur cet événement majeur de l’histoire politique du pays, même si l’on sait l’estime cachée qu’il avait pour Hama Amadou, conscient de ses qualités d’homme d’Etat.
De son exil, un autre qui avait juré de l’isoler, incapable d’attendre ce moment où Dieu pourrait le faire mieux à sa place sans se discréditer, avait aussi, le contexte oblige, eu quelques amabilités, hypocrites ou vraies, pour son adversaire et son ʺgibierʺ d’une époque. Il dira que « le souvenir de Hama Amadou sera celui d’un homme politique accompli mais surtout d’un homme d’Etat hors pair » – ce sont ses mots. Un autre, depuis Paris, proche de l’ancien président Bazoum Mohamed, Waziri Idrissa, pour sa part, reconnaissant la dimension de l’homme que le Niger et sa politique perdaient, dira que « la disparition de Son Excellence Hama Amadou marque une perte immense pour le Niger. Peu importent, [dira-t-il,] les divergences politiques, il restera à jamais une figure incontournable de notre histoire nationale. Cet homme de conviction, charismatique et résilient, a traversé les épreuves avec une détermination inébranlable, laissant une empreinte profonde dans la vie politique du Niger.
Ceux qui l’ont combattu au sein du parti qu’il sauvait, par sa hargne, d’un enterrement certain à la conférence nationale, coéquipiers politiques en d’autre temps et alliés au gré des couleurs des jours, venaient aussi rendre hommage à l’ancien-nouvel ami. Si Elhadj Seini Oumarou pour qui Ayerkoye est – peut-être pas tous les temps – l’ami et le frère, vient s’incliner « devant la mémoire de ce grand homme d’Etat, grand animateur de la vie politique nationale depuis plusieurs décennies », Albadé Abouba affirme pour sa part que « le souvenir de Hama Amadou sera celui d’un homme politique accompli, mais surtout d’un homme d’Etat hors pair ».
Certains autres plus proches de l’homme, ne pouvaient pas avoir de voix, sachant bien, qu’elles ne seront pas entendues, même libérés d’une conscience qui les gronde pour avoir trahi une confiance ou une amitié. Mais, ne faisons pas trop attention à ceux-là. Le moment exige élévation et magnanimité. On comprend qu’Alain Foka, avant de faire des révélations dans une prochaine production, parle de « Ces imposteurs qui n’ont pas hésité à descendre la pratique politique en dessous de la ceinture », faisant soupçonner plein de ces comportements compromettants qu’on finira par entendre. C’est à juste titre que Tahirou Seydou Mayaki rappelait dans son oraison funèbre que « Le coup de poignard dans le dos [qu’il a] reçu parfois de personnes insoupçonnables car [étant de ceux en qui] [il a] placé [sa] confiance », toute chose que certaines gesticulations à s’activer autour du deuil ne sauraient cacher. Les militants ont vu tout le monde et personne ne peut tromper un autre.
Puis, dans le concert de toutes les voix qui s’élèvent, à travers le monde, il y a celle de grands hommes, d’acteurs majeurs qui viennent redire sa vie, et couvrir, de tous les hommages sincères et vrais, un ami qui reste pour eux un monument. Il y a d’abord ce grand partisan dont le soutien au leader valut un licenciement et un exil en France pour le retrouver là. Seydou-Kaocen Maïga qui était l’un des premiers à annoncer sur les réseaux sociaux la mort de Hama Amadou, dira qu’ « il est parti à la même date que sa défunte mère bien aimée qui est décédée elle aussi [un] 24 octobre mais 5 ans plus tôt en 2009 », rappelant qu’ils avaient « promis de rester à ses côtés quel qu’en soit le prix, et [se réjouissant alors que d’autres n’en aient pas été capables] par l’aide du Créateur de toutes les choses, [qu’ils aient] tenu parole malgré le chemin épineux et périlleux ». Quant à Réki Djermakoye dont la famille avait gardé avec Hama Amadou des relations solides, éminemment humaines, sans mot dire, n’a laissé sur sa page Facebook qu’une page noire, atterrée, pour témoigner le deuil qui l’a surprise, disparaissant, même pour le Fonds de solidarité, le moment d’un deuil vécu dans le recueillement.
En mission à Washington, le Premier Ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine, entouré de ceux qui l’accompagnaient dans ce déplacement et qui, tous, les visages affligés, connaissent bien le personnage, émus, à travers une vidéo, a exprimé à distance, toute sa douleur et sa compassion pour ce grand homme à qui il voue respect et considération. Il l’a, du reste, dit, quelques jours après son entrée en fonction, rappelant toutes les qualités d’un homme que des méchancetés vouaient si injustement aux gémonies.
Salou Gobi, le Journaliste, homme politique et écrivain nigérien, sur sa page Facebook, évoquant la disparition de Hama Amadou, parle de « Son parcours remarquable, marqué par un engagement indéfectible pour la démocratie et la justice sociale, [affirmant qu’il ait] laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de notre pays ». Malgré toute la campagne de médisance de la part de ses détracteurs, pour lui, « Tout au long de sa carrière, Hama Amadou a su rassembler et inspirer, faisant preuve d’un charisme qui transcende les clivages politiques ». Et pourtant, que n’a-t-on pas dit de l’homme, par malveillance sans doute ?
Pour lui donc, « Son décès laisse un vide considérable dans la sphère politique, tant pour ses partisans que pour ses adversaires ». C’est à juste titre que pour lui, « Le Niger pleure aujourd’hui un grand homme, un pilier de notre nation », toute chose pour laquelle, beaucoup d’observateurs s’inquiètent aujourd’hui pour le devenir de notre nation encore en chantier.
Omar Hamidou dit Ladan Tchiana, un homme politique qui avait été un de ses lieutenants, malgré les divergences qui les avaient séparés, ne manque pas d’apprécier celui qui fut son mentor. Très marqué par l’annonce du décès du frère, comme s’il eut manqué de voix, il dit : « Aucun mot, aucune posture ne peuvent exprimer ma peine et ma tristesse », tant il ne peut croire à la triste nouvelle. Pour lui, Hama Amadou est un « Panafricaniste convaincu, patriote sincère, libéral modéré, administrateur compétent, politique courageux, redoutable combattant, stratège exceptionnel, homme cultivé, leader visionnaire… ». Pour autant, fait-il observer, « Tous ces qualificatifs ne suffisent point à décrire l’esprit brillant qu’était Hama Amadou avec qui [note-t-il] j’ai tant appris pendant quatre décennies ».
Mais, le grand hommage est celui qui a été officiellement rendu, au palais de la présidence, devant le parterre d’officiels et d’amis, et devant la famille de l’illustre disparu. L’oraison funèbre a été prononcée par Tahirou Seydou Mayaki, l’un des derniers fidèles de l’homme politique, un choix sans doute symbolique pour laisser le privilège au dernier carré fidèle du leader politique depuis que, le faisant « autorité morale du parti », décidait qu’il n’ait plus à jouer des rôles. Dans sa voix étranglée, étreinte par l’émotion pour avoir à assumer cette responsabilité dans la fin cruciale de la vie d’un homme qu’il a côtoyé et accompagné dans tous ses combats, il dira : « Tu es parti à un moment où ton pays en lutte pour sa souveraineté a besoin de toi », rappelant son slogan de sa dernière campagne dans une élection présidentielle : « Le Niger d’abord, le Niger ensuite, le Niger toujours » qui traduit toute la philosophie politique de l’homme, tout l’idéal qui sous-tend ses combats. Il ne manquait d’ailleurs pas de rappeler ses prouesses politiques notamment quand arrivant à la tête du gouvernement de Tandja, alors que le pays, au trésor national, ne comptait pas plus de 600 millions et où, leur parti – le MNSD – qui arrivait au pouvoir héritait d’arriérés de salaires d’au moins un an que d’autres candidats refusaient d’ailleurs de reconnaitre au motif que les Nigériens ne travaillaient pas pendant cette période. Hama Amadou, devenu Premier Ministre de Tandja, reconnut la dette et réussit à l’éponger au grand bonheur des travailleurs dont certains, ingratement, oublièrent l’action généreuse qui les délivrèrent de la précarité. C’est à juste titre que Tahirou Seydou Mayaki rappelait que « Toute [sa] vie a été jalonnée de défis », défis qu’il réussit d’ailleurs à relever. Pour lui d’ailleurs, Hama Amadou est un « homme de paix » qui « n’a jamais fait une promesse qu’ [il n’est] pas à mesure de tenir.
Un autre, le journaliste, écrivain, et Président du centre International de Réflexions et d’Etudes sur le Sahel, interrogé sur TV5 Monde Afrique sur la disparition subite de Hama Amadou confirmera tous les propos tenus en faveur de l’homme que les Nigériens pleuraient. Il dira alors que « Hama Amadou a été un génie politique, sans doute l’un des hommes politiques le plus doué de sa génération », un jugement que partagent beaucoup d’autres observateurs.
Un autre grand journaliste qui l’avait connu – Alain Foka – comme en avant-goût du documentaire qu’il promet de réaliser pour révéler l’homme au grand public, rend des hommages à l’ancien Premier Ministre de Tandja, exprimant toute la douleur qu’il ressent depuis l’annonce du décès de l’illustre homme. Ainsi, s’exclamait-il dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux : « Semaine horribidus, ce vendredi 25 octobre 2024 est à marquer pour moi d’une pierre noire, une triste journée, journée de deuil où l’on met en terre l’un de mes meilleurs amis, que dis-je, un frère proche, un complice ». Il connait l’homme jusque dans sa vie de famille qui, à force d’admiration réciproque, a fini par se lier d’amitié avec celle du défunt. N’est-ce pas Mme Hama Hari qui lui apprenait au téléphone la mort de son mari ? Affligé par l’annonce par l’épouse inconsolée qui a été d’un extraordinaire soutien à l’homme dans tous ses combats et dans ses déboires injustes, de cette disparition subite, Alain Foka, tout aussi inconsolable, comme si le personnage était encore devant lui, ne s’est pas empêché d’avoir cette communication interactive d’outre-tombe avec l’Ami. Aussi dira-t-il, « Hama Amadou tu me laisses un tel vide dans ma vie tant personnelle que professionnelle, un tel vide dans notre famille ».
D’autres personnalités, deux anciens Premiers Ministres, un du Niger et un de la Côté d’Ivoire, Ibrahim Assane Mayaki et Guillaume Kigbafori Soro, s’acquittaient du même devoir moral en rendant un ultime hommage à l’homme qu’ils ont connu et apprécié. C’est depuis Paris où il vit que l’ancien Premier Ministre que Hama Amadou poussait sur le terrain politique, faisant découvrir aux Nigériens à travers cet homme, un très grand intellectuel dont ils n’avaient jamais soupçonné l’existence, fit ses oraisons funèbres à distance pour saluer la mémoire du grand homme politique. Rappelant les circonstances douloureuses, il dira : « Nous enterrons aujourd’hui un fils unique du Niger, unique car il cristallise l’histoire unique de ce pays », car dira-t-il, « Personne ne pourra dire qu’il n’a pas tout donné, personne ne pourra dire qu’il n’a pas tout subi ». Il a connu toutes les souffrances alors qu’il ne voulait que le bien pour son pays. Pour autant, il n’aura jamais été rancunier. C’est sans doute pourquoi il dira que « […] nous retiendrons comme ayant tout donné pour construire et non pour haïr ». Il savait, par sa foi, pardonné. Et il avait pardonné. Il l’avait même dit en sortant de la sordide prison de Koutoukalé où « ses amis » l’avaient envoyé. Il n’avait pas de temps à la méchanceté. Pour Ibrahim Assane Mayaki, « […]il n’avait d’idée que pour que son peuple aille mieux, et aucune n’était pour mettre en prison, ou humilier ». Pour le comprendre, il n’y avait qu’à lire les témoignages de Dr. Badié Hima, Défenseur des Droits Humaines. On apprend d’ailleurs davantage avec les oraisons de l’ancien Premier Ministre Nigérien qui dira : « Il fut mon élève extrêmement brillant et la semence de cette constante était déjà présente : l’habileté à faire avancer les choses avec détermination et camaraderie. La méchanceté n’était pas son lot ».
Quant à Guillaume Kigbafori Soro, ancien Premier Ministre de la Côte d’Ivoire, et Président de générations et peuples Solidaires (DPS), à travers un texte qu’il publiait en hommage de son ami et frère Hama Amadou, parlant de « perte immense », dira que « Hama Amadou ne fut pas seulement un homme d’État au service de son pays, mais aussi un acteur clé dans la construction d’une Afrique plus unie et prospère. Sa vie entière fut marquée par un dévouement inébranlable au service du Niger et du continent, qu’il aimait passionnément ». N’est-ce donc pourquoi la France, par son indifférence, se faisait complice de tout le mal qu’il devrait subir pour qu’arrivent et soient maintenus au pouvoir ceux qui lui sont favorables pour la laisser piller notre pays ? La France n’a jamais aimé un acteur politique nationaliste. Le CNSP en sait quelque chose, du reste. N’est-ce pas pour les mêmes raisons, que se servant des mains d’un autre, Thomas Sankara avait été lâchement éliminé ? En tout cas pour Soro, « Son héritage[l’héritage de Hama Amadou], tant au Niger qu’en Afrique, continuera d’inspirer les générations à venir. Sa contribution, tant sur le plan national que continental, demeurera un exemple ». Et plus que jamais, « Dans un Niger confronté à des défis majeurs, son absence se fera cruellement sentir, mais son esprit continuera d’éclairer le chemin ».
Pour la réalisatrice nigérienne, Macky Kidy Aicha, cette « voix ne résonnera plus sur les ondes ! Et elle dira sans doute affligée, qu’il est « l’un des meilleurs politiciens du Niger et orateur hors pair [qui] s’en est allé ».
Incontestablement, Hama Amadou est le dernier grand homme d’Etat de ces dernières décennies, après lequel, le pays eut la malchance de tomber dans les mains de médiocres. Le coup d’Etat de 2023 qui vient mettre de l’ordre en envoyant aux vestiaires les minables, pourra-t-elle maintenir le cap pour que le pays ne tombe pas dans les mêmes vicissitudes qui l’ont détruit ? Challenge historique que la trempe des hommes qui gouvernent aujourd’hui pourrait gagner. Badié Hima, Défenseur des Droits de l’Homme, de Bamako, le 25 octobre 2024, en rapportant, par des témoignages des actes de Hama Amadou alors Premier Ministre, montre à quel point le Premier Ministre de Tandja savait s’élever pour ne défendre que le juste. Conscient alors du grand vide qu’un tel personnage laisse dans son pays, il finit son texte avec cette prière : « J’espère que les multiples crises que le Niger connaît pourront contribuer à raffermir la fraternité entre les Nigériens, les oppositions politiques ne doivent pas nous faire oublier que nous sommes des citoyens d’un même pays, nous avons un seul pays, nous avons une seule nation. L’attachement à la nation et à ses seuls intérêts, doit être au-dessus de l’improductif corporatisme politique ou social. Il doit être le métal qui nous unit. Il conditionne la construction d’une nation arc-en-ciel, souveraine et démocratique.
Mairiga