Des Nigériens s’interrogent sur la conduite de la transition ?
Pour des Nigériens, il est dommage de constater qu’au moment où le jeune Président burkinabé cartonne dans le monde, adulé de partout car forçant l’admiration par ses actions au bénéfice des burkinabé, son étoile scintillant dans l’azur doré, au Niger, le climat devient délétère, anxieux avec, peu à peu, une crise de confiance qui s’installe progressivement dans le pays. D’autres ont beau dire qu’il n’en est rien et que le régime militaire jouirait de la ferveur populaire dans le Niger profond, il reste que cela ne peut être vrai non pas parce que l’on pourrait s’en réjouir, mais bien parce que c’est la triste réalité d’un pays aujourd’hui rattrapé par ses vieilles contradictions, les mêmes qui ont poussé au coup d’Etat de juillet 2023 que l’on a tant célébré dans le pays comme une chance de libération. Mais le cauchemar semble revenir.
Le divorce avait commencé depuis le temps où, refusant d’écouter les Assises Nationales, le régime obligeait à aller à un pardon qui ne peut avoir de sens sans certains préalables qu’on ne saurait escamoter. Et parce que les assises demandaient de libérer, le CNSP a cru avoir trouvé le bon prétexte de libérer « ses » prisonniers luxueux qui ne devraient pas avoir été faits pour la prison, celle-ci n’étant faite que pour les Nigériens de seconde zone. Pire, en choisissant, sous le même alibi du pardon, de libérer certains prisonniers et d’en laisser d’autres moisir dans les goulags, condamnés au martyr – on ne sait pour le plaisir de qui – les Nigériens avaient commencé à douter de tels choix discriminatoires qui ne peuvent fonder une justice dans un pays qui croule sous le poids des injustices instituées dans le pays. Et le CNSP n’a pas daigné écouter la désapprobation des Nigériens par rapport à ces libérations au forceps, décidées contre la volonté des Assises et d’une opinion nationale agacée par de tels détournements d’objectifs. Avec un peu de distance, les Nigériens pourraient avoir compris pourquoi Dame Barry Bibata Niandou, avec tout le charisme qui est le sien, alors que les autres acteurs des assises en avaient eu le privilège, avait été refusée au Conseil Consultatif. Ceux qui peuvent appeler à la rigueur, à la justice, peuvent-ils tellement gêner aujourd’hui dans le pays qu’ils ne peuvent plus être de la nouvelle marche du pays qui a pourtant fait entendre qu’elle venait pour un tel noble objectif, ajoutant pour la fantaisie que le pardon n’exclut pas la justice ? Il y a franchement à s’effrayer pour ce pays.
Des signes inquiétants…
Pour les observateurs avisés de la scène politique nigérienne, lorsqu’il y a quelques jours le monde entier organisait des manifestations pour apporter son soutien au vaillant Capitaine Ibrahim Traoré, menacé par un Général Black américain sans que le Niger ne puisse s’associer à un événement somme toute historique alors qu’il est le pays qui devrait le plus soutenir dans une telle situation, l’on ne peut que lire là quelques appréhensions que le pouvoir de Niamey devrait prendre ainsi un tournant qui pourrait le rapprocher, sous les conseils avisés de qui vous savez – suivez mon regard – de partenaires traditionnels que l’on a pourtant passés des mois à vilipender. On comprend donc que le régime hésite à oser une mobilisation des Nigériens à un moment où il peut entendre, ici et là, à travers le pays, quelques grincements de dents, quelques dégoûts de la part de populations qui commencent à douter du pouvoir des militaires dont certains choix ne semblent pas trop servir la cause pour laquelle il expliquait pourquoi qu’il prenait le pouvoir un 26 juillet 2023. Par ailleurs, sur tous les groupes de soutien, aujourd’hui, l’on ne lit que des divergences entre acteurs mobilisés derrière le CNSP, aujourd’hui en parfaite contradiction, souvent s’affrontant dans une violence verbale qui rend compte de l’état d’esprit dans lequel ils vivent aujourd’hui la transition. D’ailleurs, quand on écoute les conversations, dans les marchés et les rues, dans les fadas et presque partout où deux Nigériens peuvent rentrer en conversation, l’on ne peut entendre que les mêmes malaises : la marche du pays inquiète.
Les Nigériens ont donc perdu leur enthousiasme et, depuis quelques jours, dépités, ils tournent le regard vers les Cieux, implorant le Pouvoir incorruptible de Dieu pour les sortir des jours difficiles qui reviennent pour trahir les promesses du 26 juillet 2023 qui avaient poussé tout le peuple à se mettre debout pour accompagner son armée dans la marche épique qu’elle initiait pour libérer le pays de l’emprise extérieure et des pesanteurs politiques intérieures qui ont divisé les Nigériens et renforcé certains clivages. D’ailleurs, il y a des gens qui ne se font plus voir et l’ont a vu quelques leaders religieux investir le champ des débats, alertant sur les dérapages de la gouvernance pour appeler à faire attention au sort d’un pays si fragile qui ne doit pas, en principe, chercher des histoires car il en a déjà trop. Mais le régime, voulant aller là où il veut aller, n’entend plus aucun cri, et marche, comme dirait l’autre, presque sur la tête. Tenant visiblement à respecter un engagement avec un autre. Ce faisant, le CNSP, depuis quelques jours, sembler tenter de détourner la transition pour servir l’impunité. Il se trouve, selon certaines indiscrétions, que même dans les équipes, les ardeurs se sont émoussées, certains – et ils sont nombreux – perdant leur enthousiasme des premières heures de la prise du pouvoir par les militaires. D’ailleurs, semble-t-il, toutes les couches de la société nigérienne sont touchées par la démotivation, regrettant que certains aient eu raison d’avertir depuis une époque où l’éphorie de la libération annoncée par le CNSP ne pouvait permettre d’entendre ces alertes et d’apprendre à avoir de la méfiance dans le soutien sans réserve qu’il apportait à l’armée. On peut d’ailleurs voir qu’au-delà du Niger, même l’extérieur commence à s’interroger sur la transition au Niger, ce, alors que la France s’en frotte les mains, se réjouissant que ses ouvriers et alliés nigériens seraient en passe de gagner leur pari : faire tomber la transition pour lui permettre de reprendre la main sur le « gâteau Niger » qui était en passe de lui échapper.
Changer de paradigme…
Les Nigériens avaient honnêtement cru à cette transition et voudraient qu’on ne leur arrache pas cette espérance. Il ne faut pas leur arracher ce brin d’espoir que le destin leur donnait un jour de félicité que l’on voudrait aujourd’hui sacrifier pour les plaisirs de quelqu’un .
Il y a donc urgence à changer de paradigme, pour remettre les Nigériens en confiance et aller courageusement à cette étape qu’on ne peut escamoter et qui consiste à rendre justice. Si des gens ont peur et voudraient se servir du CNSP pour échapper à leur sort, c’est qu’ils ont bien conscience de ce qu’ils ont causé à ce peuple comme torts. Peuvent-ils avoir le courage du mea-culpa et demander pardon ? Sans doute non, parce qu’ils ont de la vanité.
Gouverner ne peut s’accommoder de certaines faiblesses.
Mairiga