L’impossible dialogue entre la CEDEAO et l’AES ?
La CEDEAO et l’AES, c’est un secret de polichinelle, sont en conflit ouvert depuis plus d’un an. Face aux différents coups d’Etat au Sahel, elle ne sut jamais quelle attitude plus responsable adopter pour gérer les différentes crises, réagissant à chaque fois épidémiquement pour juste aggraver la situation. Ses premiers médiateurs, envoyés de partout et notamment du Nigéria, ne purent rien changer à la donne, le dialogue étant devenu difficile entre l’organisation communautaire et ses Etats membres mis sur le banc. Les Nigérians ont tout de même réussi à émousser les ardeurs de leur Président Tinubu qui a surpris le monde à se faire un valet de la France conquérante. Tout le monde avait butté contre un mur : l’AES étant ferme sur sa décision de partir de l’organisation, ne voulant plus rien négocier avec elle. La situation est d’autant compliquée que les peuples sont d’accord avec une telle position. Mais, la CEDEAO qui se rend bien plus tard compte de ses erreurs, tente d’apaiser les tensions, affirmant, sans qu’on ne l’entende du côté du Sahel, qu’elle serait toujours ouverte au dialogue, et craignant sans doute qu’elle ne soit la victime de ses propres turpitudes. C’est ainsi qu’au sortir de son dernier congrès, alors qu’elle prenait acte de la déclaration de sortie de l’organisation prononcée depuis un an par les Etats de l’AES, on l’entend quand même, sans doute effrayée, qui adopte une autre attitude qui vise toujours à ramener les trois pays en son sein, en nommant notamment des médiateurs pour aller prendre langue avec les trois pays. L’initiative est peut-être louable, mais elle vient plus tard, ce après que les Etats de l’AES aient pris certaines initiatives qui posent désormais les jalons de la structuration de nouveau cadre de concertation en vue de prendre en main un certain nombre de défis qu’ils partagent, tout en mettant en synergie leurs économies, leurs cultures et leurs peuples afin de créer un véritable cadre qui rassemble dans la solidarité.
Pourtant, un jour avant le sommet du désespoir d’Abuja, les Chefs d’Etat de l’Alliance des Etats du Sahel qui se réunissaient à Niamey, réitéraient leur sortie du cadre de la CEDEAO où ils n’entendent plus retourner. Mais contre toute attente, espérant les diviser sans doute sur ce point, le sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO décidait de désigner des médiateurs pour venir négocier un retour problématique pour ne pas dire impossible des Etats. Il y a deux personnalités désignées pour la mission impossible.
Le Président togolais…
C’est peut-être une bonne carte à jouer quand on sait que ce dernier a des bonnes relations avec l’AES et notamment avec le Niger où, face aux extrémismes de Talon qui fermait sa frontière contre le Niger, il vint en secours pour ouvrir son corridor afin de permettre un approvisionnement régulier du Niger, refusant d’être solidaire des mesures iniques, inhumaines contre le peuple frère du Niger. Mais, lui aussi sait les radicalités auxquelles ses pairs de la CEDEAO avaient poussé les Etats membres de la CEDEAO et pourrait même comprendre leur position pour ne pas tenter de les obliger à revenir alors que le monde entier a entendu les fermetés qu’ils avaient à prendre ces décisions somme toute souveraines. Les Chefs d’Etat de l’AES pourraient donc être gênés de ne pas le recevoir, quand on sait les bonnes relations qu’il a su garder avec eux pendant que la CEDEAO les brutalisait, cherchant à les humilier pour les plaisirs cyniques de la France. Mais cette question reste et demeure : que peut-il arracher à l’AES pour contenter la CEDEAO au désarroi ?
Le Président béninois…
Patrice Talon sait qu’il n’est pas la bonne personne pour une telle mission au niveau de l’AES surtout quand on peut apprendre, après le Niger, les accusations graves que le Président de la transition burkinabé portait contre son pays et contre la Côte d’Ivoire la semaine dernière, notamment lorsqu’il les accusait d’abriter des bases militaires étrangères et notamment françaises pour déstabiliser son pays et tous les pays de l’AES. Tant qu’il n’apportera pas les preuves qui discréditent cette accusation, il sait qu’il ne peut être entendu par ces dirigeants qui ont énormément de choses à lui reprocher. Peut-être que lui veut se servir de la CEDEAO pour se rapprocher de voisins dont il a compris tardivement l’intérêt qu’il a à privilégier avec eux de bonnes relations. Il risque donc d’être le grain de sable dans la machine qui risque de caler le moteur de cette médiation pour voir la mission tomber à l’eau parce qu’un cadre de confiance mutuelle si nécessaire devrait faire défaut par la qualité au moins d’un des médiateurs. Plus d’une semaine après la désignation des médiateurs, l’on n’a aucune nouvelle d’une initiative pour une éventuelle rencontre, un premier round qui pourrait donner à espérer que le fil du dialogue serait renoué entre les deux composantes. Là aussi, une question se pose : pourquoi, sachant bien les difficultés qu’il a avec les autorités du Sahel, Patrice Talon voudrait quand même venir négocier avec elles ? Peut-il ne pas savoir que sa présence dans l’équipe, pourrait rendre difficile, pour ne pas dire impossible, une éventuelle rencontre avec des Chefs d’Etat qui, pour ce qu’ils lui reprochent enfin, notamment ses complicités avec la France chassée du Sahel, ne peuvent pas accepter de parler avec lui ? Peut-être qu’il l’a compris depuis quelques jours car l’on peut croire que le Président togolais ait déjà initié quelques contacts pour s’entendre dire justement ces réticences du fait de sa présence dans une délégation qui viendrait à faire le tour des trois capitales. Le moteur ronronne ; ça ne semble pas marcher.
Peut-être, qu’à l’ombre, des ministres des affaires étrangères ont déjà tenté des contacts infructueux. Tout le monde connait la position des pays de l’AES par rapport à ce dossier. Pour eux, la CEDEAO appartient désormais à l’Histoire. Pour eux, ce qui compte aujourd’hui est d’avancer, de regarder droit devant eux et de croire en l’avenir. Et cette AES en est d’autant consciente qu’elle sait qu’en misant avec sa monnaie unique, elle pourrait, provoquer lorsqu’elle sera publiée, la débandade au niveau de la CEDEAO dont bien de membres et certains pays aux monnaies fragiles, pourraient décider de la rejoindre, pour venir s’affirmer avec une nouvelle monnaie qui casse le lien avec la France et permettre à leurs économies d’émerger.
La seule issue est sans doute de ne pas avoir cette CEDEAO belliqueuse avec l’AES, car au moins, il reste des choses à préserver et qui sont du quotidien des peuples : leurs échanges, leurs économies aujourd’hui interdépendantes. Le Sahel est un grand marché et notamment pour ces Etats côtiers. S’ils n’ont pas le Sahel, leur marché, comme peau de chagrin, va s’étioler tristement. Certains ont commencé à le vivre déjà car eux ont compris que le Sahel, ce n’est pas qu’un désert, c’est une vie, c’est une économie dynamique, c’est un partenaire économique important.
Et depuis, le Sahel, par ces malentendus qu’il a et avec le reste de la CEDEAO, a compris, par l’immensité de ses terres, de ses richesses, de ses peuples, qu’il est une puissance sous-régionale qui compte dans la balance de la géopolitique. Personne ne peut plus lui imposer quelque chose. Et surtout pas des « esclaves de salon ».
Mairiga