L’expertise pour reprendre la main sur les ressources du sous-sol
La lutte du Sahel serait-elle cette guerre des pauvres qui, à l’épreuve de ses misères, découvre sa force et son importance dans un monde qui a décidé de le piétiner, de l’empêcher de grandir, de sortir de la négation dans laquelle le maintenait un certain ordre mondial. Les pays de l’AES, avant de prendre une décision pour la monnaie, avaient alors compris l’intérêt pour eux de prendre en main la gestion de domaines stratégiques de leur souveraineté, de la sécurité aux choix politiques en passant par la gestion de la communication. Il y a quelques jours, c’est le Syndicat des Travailleurs des Mines du Niger (SYNTRAMIN) qui tenait son Congrès qui a permis de mettre en place un nouveau bureau et, presque concomitamment, se tenaient les assises des anciens miniers du Niger qui ont réfléchi à la gestion minière dans un contexte de refondation et de souveraineté. Les deux structures qui connaissent bien le domaine minier nigérien, dans le contexte que traverse le pays, déterminant pour son avenir, menaient des réflexions, et pensaient des stratégies nouvelles pour que les ressources minières du pays profitent plus au pays, et que le Niger exerce son entière souveraineté sur ses richesses importantes pour le bien du pays et notamment pour reposer le développement et la modernisation du pays sur les ressources dont regorge le sous-sol nigérien.
Capitaliser les expériences…
Les travailleurs nigériens des mines ont capitalisé une expérience énorme dans le domaine de l’exploitation minière pendant des décennies d’exploitation qui ont formé leur caractère et affiné leur expertise pratique dans le domaine. On ne peut qu’apprécier, de ce point de vue, la volonté des anciens miniers du Niger qui ont fait savoir leur volonté de mettre à la disposition de leur pays leur savoir et savoir-faire pour assurer la relance de l’exploitation minière et pour aider le pays à assurer sa pleine souveraineté sur ces ressources aujourd’hui indispensables et stratégiques au développement du pays. Le Niger nouveau, depuis cette sortie des anciens miniers, a compris qu’il dispose de cadres et d’ouvriers expérimentés et compétents dans ce domaine stratégique pour compter sur ses propres enfants qui ont les moyens de garantir l’exploitation et le fonctionnement des mines dans le pays. C’est une chance ; c’est une opportunité pour ce pays qui cherche la voie pour se prendre en charge et affirmer sa souveraineté inaliénable.
Et le SYNTRAMIN vient de corroborer les opportunités nouvelles…
La France qui, en colère, oubliait, lorsqu’elle décidait de s’en aller avec tous ses ressortissants, qu’elle laissait dans le pays une ressource stratégique, l’uranium en l’occurrence. Alors qu’elle décidait, sur un coup de tête, de partir et imposer à d’autres de fermer leurs frontières contre le Niger, avait fini par comprendre qu’elle faisait le mal, sans en avoir conscience à temps, contre elle-même. Plus tard, quand elle va le comprendre, le CNSP qui savait qu’il tient, dans ses mains, les moyens de la torturer, refusera de céder, refusant ainsi qu’elle l’a voulu contre les Nigériens en décidant de l’isolement du pays, que ne sorte pas aussi l’uranium pour aller vers la France alors prise au mot puisqu’elle avait prétendu que l’approvisionnement du Niger ne comptait que peu dans ce qu’elle fait dans le nucléaire. Ainsi, l’on apprend qu’après moult vaines tentatives, y compris par voie aérienne, le Niger avait refusé que l’uranium sorte pour aller vers la France, asséchant les turbines qu’elle gère. Le précieux minerai nigérien ne vient plus.
C’est alors qu’elle revient pour vouloir intimider les autorités du Niger, menaçant de fermer la dernière société, Somaïr, après avoir fermé l’autre, la Cominak. Mais Orano – puisque c’est d’elle qu’il s’agit même quand le réalisme nous oblige à parler de la France – feint d’oublier que ces mines sont nigériennes, sont en territoire nigérien, et depuis qu’elle décidait de s’en allait avec tout le personnel français, celles-ci restaient entre les mains de travailleurs nigériens qui en assuraient le fonctionnement nuit et jour. La France ne peut donc pas avoir les moyens d’arrêter le travail sur les mines, car peut-elle s’en souvenir, par le bon sens, que c’était elle, et elle seule, qui décidait de partir du Niger alors que personne, dans le pays, ne le lui avait pas encore demandé. Le Niger respectait alors sa décision souveraine, disons, la souveraineté de la France.
Relever les premiers défis…
La pénibilité du travail de la mine est endurée et assurée par les Nigériens, dans les fosses comme en surface, à ciel ouvert. Ils avaient ainsi connu la réalité de la mine, connu ses exigences, ses risques, ses enjeux. Cela les a renforcés et ce sont ceux-là qui revenaient pour parler à leur pays. Dans le souvenir des souffrances vécues dans le travail des mines, la France leur apprit ce avec quoi elle les exploitait : l’expertise de l’exploitation minière. Pendant que la France et les Français partaient, ce sont donc les Nigériens qui avaient assuré le fonctionnement des mines, sans arrêt. Alors que l’on apprend du nouveau secrétaire Général du SYNTRAMIN, Abassa Mounkaila, qu’il faut 3 à 4 camions par jour de souffre, Somaïr n’en avait jamais manqué. Par les voies ouvertes pour contourner les corridors fermés, l’on a pu en approvisionner le site d’Arlit pour continuer l’exploitation, un exploit que l’on ne peut que saluer car il signe cette capacité que les Nigériens ont à assurer une totale souveraineté à exploiter l’uranium qui ne saurait être une expertise exclusivement française.
Quelle fierté que d’entendre Abassa Mounkaila, en face d’Abdoulaye Tiémogo, saisir tous les enjeux de cette responsabilité que se donnent les travailleurs des mines. En effet, pour lui, « il y a des défis à relever », notamment en « mett[ant] en place un système » pour avoir une maitrise totale de tout le processus de production. L’approvisionnement en intrants de la mine reste un pari essentiel qu’aujourd’hui le Niger est en mesure de relever, avec ses nouveaux partenariats et sur fonds propres. Comprendre cet enjeu, est donc en soi une grande avancée. C’est sans doute pourquoi il dit, non sans exprimer une certaine satisfaction, « Aujourd’hui nous avons les intrants qu’il faut et les pièces de rechange » qui peuvent permettre de continuer à travailler, aujourd’hui et toujours. C’est à juste titre qu’il dira qu’aujourd’hui « Orano ne peut maitriser ni l’arrêt ni la continuité ». Tout reste donc entre les mains du Niger et des Nigériens et les nouvelles autorités qui ont fait le choix de ne laisser faire rien par un autre quand des Nigériens sont capables de le faire. Il se félicitait que la SOPAMIN, société nigérienne, soit venue au secours de la SOMAÏR pour vendre les parts du Niger et acheter tout ce dont la société a besoin pour continuer à fonctionner. Et Abassa Mounkaila rassure qu’ « au 31 décembre 2024, [au-delà de l’échéance française] Somaïr va continuer à fonctionner ».
Devenir adulte…
Selon Abassa Mounkaila, Secrétaire Général du Syndicat des Travailleurs des Mines du Niger (SYNBTRAMIN), voici cinquante-trois (53) ans que des sociétés étrangères exploitent nos ressources et notamment l’uranium pour ne gagner que la part risible des efforts mutuellement consentis. Pour lui, au-delà de l’impact écologique, il y a le coût humain, quand, quittant pour laisser des espaces pollués, les compagnies laissent derrières elles, après avoir tout emporté, des hommes et des femmes à la retraite, généralement malades, épuisés, souvent sans prise en charge. Il rappelle qu’après l’attaque terroriste, et la Covid 19, alors que les Français partaient, ce sont pourtant les travailleurs nigériens qui restaient pour continuer à faire fonctionner les mines.
Ensemble, dans le secteur, les pays de l’AES peuvent tout changer
C’est d’autant vrai que France 24 évoquait le congrès du syndicat nigérien qui invitait les spécialistes maliens et burkinabé du domaine pour échanger et partager des expériences afin de mettre les intelligences en commun pour booster l’économie minière au Sahel, un espace très riche en ressources diverses enviées par les sociétés du monde, impérialistes. Il s’agit de mettre en interaction, à l’intérieur de l’AES, tous les acteurs du système, comme cela se fait dans le domaine militaire, pour trouver des solutions plus adaptées aux besoins de la révolution au Sahel. Il ne faut pas oublier que le Sahel regorge d’un potentiel qu’on n’avait jamais soupçonné et qui pourrait justifier la déstabilisation qu’il connait depuis plus d’une décennie.
Optimisme…
C’est possible de tout changer pour que ces ressources servent notre développement économique, social, culturel. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que la société française Orano accusait, sans avoir la certitude des chiffres qu’elle donnait,7 milliards de déficit en 2022, alors que sous le CNSP l’on a engrangé, en six mois, malgré certaines difficultés, notamment en approvisionnement en intrants, un bénéfice de 19 milliards, une prouesse que l’on mettra à l’actif de l’expertise nigérienne et les nouvelles autorités qui reprenaient en main l’exploitation, sans que personne d’autre n’y intervienne.
On ne peut pas ne pas aller dans cette voie quand pour partir, du côté de Cominak par exemple, la France voulait méchamment tout détruire. C’est ainsi qu’elle va procéder à démantèlement de la centrale électrique, incapable de la laisser pour qu’elle serve les populations ou d’autres projets dans la région. De ce qui appartient à la France, finalement, l’on ne peut en profiter que lorsqu’elle-même, dans le pays, s’en sert. C’est pourquoi, pour le Secrétaire Général, il y a à « comprendre les enjeux pour que les bonnes décisions soient prises » aujourd’hui et faire face, ensemble, à la relance du secteur minier promoteur pour le pays.
Il y a pour cela à faire attention aux « risques environnementaux très graves » liés à de tels projets et pour lesquels il faut demander des comptes à Orano. Le Syndicaliste appellera à faire confiance à l’expertise nigérienne et au patriotisme de tous car l’on a aujourd’hui des autorités qui ne pensent que le développement du pays.
Mairiga