Qui se cache derrière la société T3 PVT de Dubaï qui a fait main basse sur l’hôtel Gaweye ?
Le 14 avril 2024, soit trois mois avant la chute de Bazoum Mohamed et l’avènement du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp), l’hôtel Gaweye a été victime d’une rétrocession par la voie d’une convention unique en son genre. Il a purement et simplement été cédé à une société dénommée T3 PVT Limited by Bravia hôtels. Une curieuse coïncidence qui ravive bien d’interrogations, la société T3 PVT Limited by Bravia hôtels ayant, elle aussi, son siège à Dubaï. Eclipsée par les évènements consécutifs au 26 juillet 2023, l’affaire n’a pas connu le-haut-le-cœur et les dénonciations prévisibles de l’opinion nationale. Les organisations de la société civile, en particulier, étaient trop occupées à organiser la mobilisation générale face aux velléités d’attaques militaires contre le Niger. Pourtant, comme toutes les sales affaires qui ont scandé la vie de la 7ème République, la cession de l’hôtel Gaweye porte pourtant le sceau de l’infamie et de l’escroquerie auxquelles la gouvernance sous la 7ème République a habitué les nigériens.
Propriété de la société exploitante de l’hôtel Gaweye (SPEHG-SA), une société anonyme d’économie mixte avec Conseil d’administration et Assemblée générale, l’hôtel Gaweye n’a pas été curieusement concédé à la société T3 PVT Limited by Bravia hôtels par la SPEGH. Celle-ci n’a même pas été consultée, à plus forte raison requis son avis. L’hôtel Gaweye a été cédé à T3 PVT Limited by Bravia hôtels par l’État du Niger, représenté par le sieur Algabit Mohamed Hamid, à l’époque ministre du Tourisme, de la Culture et de l’Artisanat qui a signé en qualité d’autorité contractante. D’un point de vue légal, c’est un véritable coup de force, l’Assemblée générale des actionnaires étant seule souveraine à décider du sort de l’entreprise. Un coup de force dénoncé, dès le 22 mai 2023, par les actionnaires. Par une lettre signée de l’administrateur de la SPEHG, Maman Sofo Barmini, et adressée au président du conseil d’administration, les actionnaires ont fait observer que la SPEHG est une société anonyme et, comme telle, il existe des dispositions légales qui déterminent ses organes de décisions et encadrent son fonctionnement, même en cas de faillite et de liquidations qui est l’étape finale de son évolution ».
S’agit-il d’une liquidation de la SPEHG décidée unilatéralement par l’État ? Ce serait une violation des textes de la société. Outre que l’État n’est pas fondé à décider du sort de l’hôtel Gaweye, le contrat signé avec la société T3 PVT Limited by Bravia hôtels passe sous silence la situation des actionnaires. Il ne fait non plus aucune mention du sort réservé au personnel.
Une affaire rocambolesque
La cession de l’hôtel Gaweye est une affaire sans doute planifiée, organisée et exécutée suivant un agenda digne de la mafia sicilienne. Le 25 juin 2021, le directeur général de l’hôtel dresse la situation, catastrophique, de l’entreprise : 7 mois d’arriérés de salaires pour le personnel, des indemnités dues aux agents admis à la retraite, des factures impayées des fournisseurs, etc. Une situation de déficit chronique d’exploitation qui a conduit le ministre, après une communication en conseil des ministres, à instruire le nouvel administrateur de faire arrêter, avec effet immédiat, l’exploitation de l’établissement et de rompre définitivement le contrat de travail des employés. Une éventualité esquivée après que le nouvel administrateur ait expliqué à la tutelle les conséquences qu’engendrerait la fermeture immédiate de l’établissement.
Il réussit à convaincre la tutelle sur la nécessité de sauvegarder le patrimoine intact et propose, contre vents et marées, de poursuivre l’exploitation de l’établissement. Contrairement aux attentes des vautours qui lorgnaient la mort de l’établissement, le nouvel administrateur réussit l’exploit. Après un an d’exploitation, il éponge les arriérés de salaires du personnel ainsi que les dettes fiscales — un passif de plusieurs années —grâce à un mécanisme de compensation des dettes et créances réciproques entre l’État et la société. Ce mécanisme de compensation a notamment permis de mettre en lumière la triste et amère vérité : c’est l’État qui doit une énorme dette à l’établissement. Avec les principaux fournisseurs, il négocie et établit des échéanciers acceptables. Cerise sur le gâteau, le nouvel administrateur a même réussi à réaliser quelques investissements de commodité en vue d’une relance des activités de l’hôtel Gaweye. L’établissement, avait pensé le personnel, était sauvé et sauvegardé. C’était sans compter avec la ténacité de ceux qui ont jeté leur dévolu sur l’hôtel Gaweye.
Nonobstant cette prouesse du nouvel administrateur de l’hôtel Gaweye, au grand bonheur du personnel, la signature de la convention cédant l’établissement à la société T3 PVT Limited by Groupe Bravia Hôtels interviendra le 14 avril 2023. Avant cette signature, la direction générale de la SPEHG-SA a bien fait observer, entre autres, que la société propriétaire est la seule personne morale autorisée juridiquement à signer une telle convention.
La société T3 PVT Limited by Groupe Bravia Hôtel est manifestement plus puissante que l’État
Qui se cache derrière cette société T3 PVT Limited by Groupe Bravia Hôtels pour lui céder l’hôtel Gaweye après la preuve faite de son redressement ? La suite est encore plus rocambolesque que la procédure alambiquée de sa cession. Outre que la convention n’a été soumise ni à l’autorité contractante ni au comité de pilotage pour s’assurer que les intérêts de l’État sont préservés, aucune structure de contrôle n’est mise en place pour le suivi du respect du cahier de charges et des délais pour les études et travaux prévus.
Un peu plus de 16 mois après cette rocambolesque cession, il n’y a aucun début de chantier sur le site de l’hôtel. Pire, l’établissement a été complètement mis à sac, dépouillé de ses meubles et matériels roulants. Une véritable entreprise de démolition qui se poursuit, le parachèvement étant le démantèlement prochain des groupes électrogènes et autres biens du patrimoine.
Il faut sauver l’hôtel Gaweye des mains de ses démolisseurs
Il n’est pas si superflu de s’interroger sur l’identité de celui qui tire les ficelles de cette mascarade. Car, malgré les mises en demeure de l’autorité contractante (État) et de l’Agence nigérienne pour la promotion des investissements privés et des projets stratégiques (Anpips), la société T3 PVT Limited by Groupe Bravia Hôtels en fait à sa tête. Effronterie et assurance d’impunité mêlées, elle n’a donné aucune réponse aux lettres de mise en demeure reçues.
Y a-t-il un lien entre le T3 évoqué dans l’enquête d’Africa Intelligence et cette société T3 PVT Limited by Bravia hôtels ? Rien n’est moins sûr. En attendant, donc, de lever ce coin de voile sur cette coïncidence troublante entre le nom de code attribué à l’ancien président par l’enquête d’Africa Intelligence dans l’uraniumgate et celui de la société qui a fait main basse sur l’hôtel Gaweye, il est bon de connaître l’état actuel du joyau construit par Seyni Kountché et que la Transition de Djibo Salou a estimé nécessaire de préserver, autant pour la charge historique dont il est porteur que pour ce qu’il représente au plan économique. Aujourd’hui dépouillé de presque tout — sans que la société T3 PVT ait rempli sa part d’engagements — l’hôtel Gaweye n’est plus que l’ombre de lui-même, un vieux vestige qu’il faut sauver des mains de ses démolisseurs.
A suivre !
Laboukoye