Il y a trois mois, le Niger était encore dans une situation de gouvernance insolite. Si c’était Bazoum Mohamed qui était officiellement le président de la République, détenteur des pouvoirs dévolus à ce titre par la Constitution, il reste que son prédécesseur et parrain, Issoufou Mahamadou, en était un autre, si bien que l’on parlait d’un pays, deux présidents. Quoi qu’il en soit, les deux mandats d’Issoufou Mahamadou à la tête de l’Etat ont été une tragédie pour le Niger qui a subi à la fois le business de l’insécurité dont il avait parfaitement connaissance ; les détournements massifs des deniers et biens publics dont il a protégé et promu les auteurs ; l’impérialisme criminel qu’il a pourtant, de façon consciente et volontaire, défendu et imposé, d’abord par des accords illégaux signés avec la France, ensuite par des propos irrévérencieux vis-à-vis de ses compatriotes à qui il a dit publiquement que ceux qui sont contre la présence militaire française au Niger sont des alliés objectifs des terroristes. Fraudes financières et fraudes fiscales, trafics de drogue et d’armes, contentieux judiciaires provoqués et entretenus avec désinvolture, prêts contractés sans avis de l’Assemblée nationale, une candidature illégitime et illégale à la présidence de la République imposée de bout en bout, etc., Issoufou Mahamadou est l’alpha et l’oméga des maux et périls qui ont conduit les Forces de défense et de sécurité à agir le 26 juillet 2023. Voici, à titre de rappels, quelques faits qui expliquent pourquoi l’homme qui a ruiné le Niger ne peut échapper à la justice.
Issoufou, l’auteur de la candidature anticonstitutionnelle de Bazoum Mohamed.
Bazoum Mohamed, on l’a dit et soutenu avec force arguments, n’aurait jamais pu être candidat à la présidence de la République sans le forcing d’un certain Issoufou Mahamadou qui l’a d’abord imposé au Pnds Tarayya, puis au Niger tout entier. La Cour constitutionnelle, qui a validé cette candidature, l’a fait pourtant ressortir au point où on se demande la raison réelle de sa sentence : l’intéressé a fait usage de plusieurs pièces d’état civil avec des numéros différents. Porté à la tête de l’Etat à partir du 21 avril 2021, Bazoum Mohamed a promis aux Nigériens la continuité, ce qu’il fit jusqu’à ce jour fatidique du 26 juillet 2023, emplissant d’aise son prédécesseur et parrain. Si des divergences ont pu opposer les deux hommes, ce n’est sans doute pas à propos de questions d’intérêt général, mais plutôt pour le contrôle des manettes d’argent public. Les 25 mois de Bazoum Mohamed à la tête de l’Etat ne peuvent suffire à faire oublier les 10 années infernales d’Issoufou Mahamadou.
Le prêt de 1000 milliards d’Eximbank de Chine, une affaire exclusive d’Issoufou Mahamadou
L’affaire des 1000 milliards d’Eximbank de Chine qu’il a contractés en secret, en violation des dispositions constitutionnelles qui lui font obligation de demander l’avis préalable de l’Assemblée nationale ; celle des 50 milliards du Congo aussi, contractés dans les même conditions ; les accords illégaux signés avec la France, pour une installation militaire, en ignorant royalement le parlement ; la protection des auteurs de détournements, notamment avec l’affaire de la Soraz ; l’hypothèque sur les ressources minières, avec en toile de fond la cession de permis miniers à des amis, en l’occurrence Sébastien De Montessus, qui crée, en partenariat avec des collaborateurs directs d’Issoufou Mahamadou, un groupe de recherche minière portée principalement sur l’or et dénommé Endeavour Niger et qui, deux semaines seulement après sa création, obtient trois permis miniers parmi les plus prometteurs, etc. Ce sont autant de dossiers auxquels Issoufou Mahamadou ne peut survivre pénalement. Sauf si la justice, sous le Cnsp aussi, reste à géométrie variable.
Issoufou Mahamadou, l’uraniumgate et l’achat de l’avion présidentiel
Dans la même veine, on voit mal un Hassoumi Massoudou, alors directeur de Cabinet d’Issoufou Mahamadou, aller à Paris ouvrir un compte bancaire au nom de la Sopamin et faire virer à partir dudit compte 200 milliards au profit d’une société sise à Dubaï, Optima Energy et dont un escroc international, régulièrement aperçu dans les couloirs de la présidence, est membre. Dans cette affaire qui a fait sensation au plan international, il n’y a toujours pas eu de vérité. Issoufou Mahamadou est resté égal à lui-même, observant un silence qui fait de lui, sinon un coupable direct, du moins un complice. L’achat de l’avion présidentiel est un autre scandale dans lequel la main d’Issoufou est plus que visible. Son maître d’ouvrage, comme dans l’uraniumgate, c’est Hassoumi Massoudou, toujours en qualité de directeur de Cabinet. Inscrit dans deux lois de finance, l’achat de l’avion présidentiel a également fait l’objet d’un don d’Areva, actuelle Orano, pour un montant de 17 milliards de francs CFA.
La Cour d’appel de Paris a d’ailleurs confirmé une accusation de corruption contre les autorités du Niger. Malgré les milliards prévus dans deux lois de finance successives ainsi que les 17 milliards d’Areva, l’avion présidentiel a été finalement acheté …à crédit. C’est une affaire sur laquelle, malgré les documents compromettants publiés à l’époque par le Courrier, notamment les contrats signés, la lumière n’est toujours pas fait sur l’usage de ces fonds. Issoufou Mahamadou était parfaitement au courant des détournements des fonds du ministère de la Défense nationale
La gouvernance de Bazoum, c’est celle qu’Issoufou a instaurée et entretenue sans vergogne, dans le mépris total des intérêts du peuple nigérien, mais dédiée plutôt à l’enrichissement de la clientèle politique. Il était parfaitement au courant de tout. L’examen des modalités particulières de passation de marchés pour les besoins de défense et de sécurité, communément appelé code militaire, dont Le Courrier a reçu copie, indiquent que l’audit réalisé par le ministre Katambé n’apporte rien de nouveau au président de la République de l’époque, Issoufou Mahamadou et à son Premier ministre, Brigi Rafini, qui sont parfaitement tenus au courant de tout. L’un et l’autre reçoivent régulièrement, chaque semestre, un rapport détaillé confidentiel sur les marchés passés, les fournisseurs, les matériels commandés, les montants mis en cause, etc. L’article 71 du décret 2013-570 du 20 décembre 2013 indique que, « sans préjudice des contrôles qui peuvent être effectués par l’inspection générale d’État, les marchés objets du présent décret, donnent lieu à un contrôle à posteriori semestriel de la part de l’inspecteur général des armées ou son équivalent pour les autres corps. Ce contrôle est assorti d’un rapport confidentiel qui est adressé au président de la République et au Premier ministre ».
Ce décret n’informe pas simplement sur l’information que les deux premiers responsables de l’État ont régulièrement reçue, de droit, sur les marchés du ministère de la Défense. Il souligne les infractions ou manquements qui sont formellement interdits. Il épingle, entre autres, en son article 72, les actes de corruption, les fausses mises en concurrence, les mises en concurrence fictives, les fausses factures et fausses attestations de services faits ainsi que les ordres de paiement, après délivrance d’attestation de service fait qui ne correspond pas aux biens ou services effectivement fournis ou alors que les travaux ne sont pas terminés ou l’ont été de manière non satisfaisante. C’est, bien entendu, sans préjudice des poursuites et sanctions pénales. La loi pénale nigérienne prévoit la peine de mort lorsque les sommes dissipées ou soustraites sont égales ou supérieures à 500 000 000 FCFA, ou si les biens dissipés ou soustraits sont d’une valeur équivalente. Dans le cas de l’audit des fonds de l’armée, on parle, officiellement, de 78 milliards de francs CFA.
Sur un tout autre plan, le business de l’insécurité a englobé la coopération militaire, des pays occidentaux ayant déboursé beaucoup d’argent pour s’installer au Niger. C’est le cas de l’Italie qui, en juin 2017 déjà, a accordé au gouvernement nigérien 32 milliards de FCFA pour faire face à la sécurité de ses frontières. Toutes ces informations ont été corroborées et confirmées par le ministre italien des Affaires étrangères à l’issue de sa rencontre, le 3 janvier 2018, avec Issoufou Mahamadou, à Niamey. Les autorités nigériennes ne l’ont jamais fait savoir. Auparavant. On voit mal un Kalla Moutari encaisser 32 milliards concédés par l’Italie pour son installation militaire au Niger sans une implication directe d’Issoufou Mahamadou.
De très proches d’Issoufou Mahamadou dans le détournement et la vente de l’aide alimentaire destinée aux populations de Diffa
Vraisemblablement, à l’exclusion de l’affaire du ministère de la Défense, c’est le plus grand scandale en termes de portée humaine. Un crime contre les populations nigériennes qui est resté impuni. En 2015, dans la région de Diffa, des populations entières fuient les exactions de la secte Boko Haram et le résultat est amer : des centaines de milliers de déplacés internes auxquels sont venus se greffer des réfugiés nigérians. Les autorités saisirent alors leurs homologues du Pakistan afin d’obtenir une aide alimentaire au bénéfice des populations déshéritées et désemparées. Le Pakistan réagit positivement à la requête du Niger, expressément adressé au nom des populations déplacées de Diffa.
15 000 tonnes de riz basmati, un riz de qualité, sont offertes au Niger.
De ces 15 000 tonnes, le directeur général de l’OPVN de l’époque à autorisé la vente des cinq tonnes par lettre N° 0164 /2016/OPVN/DG/ DGS en date du 4juillet 2016. Les 10 tonnes ont été gracieusement données par le cabinet du premier aux fondations Tatali Iyali et AL Noor Globaux. Issoufou Mahamadou, comme son Premier ministre, Brigi Rafini, étaient parfaitement au courant de l’affaire.