Entre incohérence et individualisme ?
L’Alliance des Etats du Sahel est un vaste chantier que trois dirigeants militaires qui conduisent aujourd’hui les trois Etats du Sahel – le Capitaine Ibrahim Traoré, le Général Assimi Goîta et le Général Abdourhamane Tiani – par leur vision, ont conçu pour créer un cadre qui permette le plein épanouissement de ces vaillants peuples du Sahel qui, résilients vis-à-vis des contraintes écologiques, ont fait preuve de courage pour s’attaquer aux défis de développement que venaient compliquer les aléas climatiques. On avait alors entendu sur plusieurs dossiers et dans plusieurs domaines que les trois pays agissent en synergie pour que tout, que ce soit dans le domaine de la communication, de la santé, des infrastructures, de l’éducation, de l’industrie, de l’agriculture, corresponde à des politiques communes qui seront envisagées pour, ce faisant, mettre en place les fondations sur lesquelles devraient se construire l’Alliance des Etats du Sahel. On avait alors appris qu’on aura une télévision de l’AES, que l’on aura de grandes infrastructures routières et ferroviaires pour rapprocher les peuples de l’AES d’une part et les peuples de l’AES et leurs frères de la région d’autre part, que l’on allait avoir une compagnie aérienne de l’AES, et même à une monnaie unique. Les chantiers sont nombreux et autorisaient des rêves nouveaux de la part de peuples qui ont cru au leadership de leurs dirigeants.
Mais, force est de constater que l’on ne voit pas toujours les mêmes cohérences si bien que, quelquefois, l’on a l’impression que chacun fait à sa guise, sans réelle concertation pour partager les initiatives et conduire des projets communs qui peuvent mieux consolider l’alliance afin d’aller plus rapidement, au-delà d’une confédération, à une fédération ainsi que l’on l’a souvent entendu.
Comment ne pas avoir ces inquiétudes quand on apprend, ici et là, d’autres actions menées presque isolément alors que l’idéal aurait aimé que tout se fasse plutôt dans le cadre de l’AES pour concerner chacun et tous ?
Il y a quelques jours, les deux pays, à savoir le Mali et le Burkina Faso, parlaient d’un passeport unique AES, annoncé d’ailleurs pour les trois pays à la date du 29 janvier 2025 mais, alors que cela devenait une réalité dans deux autres pays, au Niger, on ne vit aucune communication qui rassure sur un tel dossier. Pourquoi, près d’une semaine après, au Niger, on n’apprend rien sur la disponibilité de ce passeport pour permettre aux Nigériens d’être dans la même dynamique ?
Par ailleurs, il y a quelques jours, pour des raisons de sécurité, le Niger prenait des décisions pour contrôler l’entrée d’étrangers dans le pays, sans que les autres pays, n’aient à prendre les mêmes mesures, entendu qu’eux aussi font face aux mêmes menaces. Ces actions isolées, il faut en convenir, ne sont pas de nature à rassurer sur les cohérences et les synergies que les trois pays pouvaient mettre en place pour mieux réussir leur intégration politique, sociale et économique.
Aussi, pendant qu’on apprenait pour s’en rassurer, chez le Ministre d’Etat de la Défense, le Général de Corps d’Armées Salifou Mody, qu’une armée de l’AES, composée de 5000 éléments, allait être mise en place, l’on n’est qu’étonné d’entendre chez le ministre des transports que le Niger va créer une compagnie aérienne, conduisant ainsi à se demander où met-on le beau projet de compagnie aérienne de l’AES pourtant plus viable pour régler bien de problèmes liés aux difficultés de mobilité aérienne en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier. Il est clair qu’ensemble, les trois pays peuvent mieux mettre en place une puissante compagnie aérienne que par des initiatives locales, nationales. Tout au plus, une telle compagnie ne peut permettre qu’à ceux qui ont détourné de l’argent d’investir dans le secteur pour blanchir des capitaux et, donc, des fortunes qu’ils ne peuvent que difficilement justifier.
Si on veut être ensemble, il faut être ensemble dans tous les dossiers….
Il est donc important que tout ce qui se fait désormais dans l’AES soit pensé ensemble pour mettre en commun les intelligences, les savoir-faire. Plus rien ne doit se concevoir, y compris les programmes scolaires, les infrastructures de communication, les projets culturels, en dehors de l’AES qui reste pour le Sahel le meilleur projet d’intégration qui justifiera que les trois pays n’auront pas eu tort de partir de la CEDEAO.