Par Ali Soumana
En fin de semaine dernière, la RTN, dans un dossier, bien présenté, sans avoir bien communiqué au préalable sur sa démarche, s’est attiré la foudre des Nigériens qui ne comprenaient pas les motivations de son élément diffusé. Et, à juste titre, l’on se demandait pourquoi faire du sensationnel sur un épiphénomène tout en ignorant sciemment les plus grands scandales du siècle qui laissent les pires souvenirs de la gouvernance Issoufou, l’empereur des grands scandales.
Les Nigériens étaient surpris d’entendre la télévision nationale se saisir d’un dossier traité par la presse depuis des semaines, pour le réchauffer, le remettre au goût du jour, profitant d’une publication d’un confrère qui revenait opportunément sur le sujet. On a compris – et les Nigériens l’ont largement souligné sur les réseaux sociaux – que ce que l’on veut, par une telle communication, c’est de mettre en avant le cas Bazoum que l’on veut à tout prix compromettre, sinon sacrifier pour ignorer d’autres « gibiers » et, peut-être, faire oublier, les cas les plus emblématiques qui concernent moins ce personnage, mais un autre, à savoir l’ancien président Issoufou Mahamadou, alias T3, au centre de tous les scandales qui ont émaillé sa gestion, de loin la plus désastreuse que le pays ait connue depuis soixante-trois ans. Les Nigériens ne disent pas que Mohamed Bazoum ne doit pas répondre de ses actes, de tout ce que l’on peut lui reprocher, tant de sa gestion que de ce qu’il a fait après le coup d’Etat qui l’a déposé. Mais, pour autant, cela ne doit pas faire oublier ce que l’autre, l’ami avec lequel il se brouille depuis des semaines, pour l’équité, a pu faire en mal pour l’amener à répondre également de ses actes, car les Nigériens sont unanimes à reconnaitre qu’il a le plus de crimes qu’on peut lui reprocher et dont il est forcément comptable, ne pouvant pour aucune raison, avoir de motifs de s’en exonérer d’un point de vue pénal. Nous demandions d’ailleurs, dans notre parution de la semaine dernière, pour l’équité et rassurer les Nigériens, de lever l’immunité, en passant par la Cour d’Etat, des deux derniers chefs d’Etat. C’est des principes de l’Etat de droit. Quand chacun pourra se défendre, et justifier son innocence, il reviendra dans la nation pour reprendre sa place. C’est à juste titre que, au regard de leur proximité, les Nigériens rejettent l’agitation et l’activisme d’Issoufou Sidibé, qui vient pour brouiller les cartes, faisant croire qu’il aime aussi la patrie pour être de ceux qui soutiennent la transition alors même, pendant douze ans que le mal se faisait, il le cautionnait par ses silences complices.
Cette communication de la télévision nationale a inquiété les Nigériens, leur faisant douter des choix du CNSP et conforter, ce faisant, les soupçons de connivence avec l’ancien président du régime dont Bazoum Mohamed ne pouvait écarter les fidèles, continuant à jouer, dans les mêmes postes souvent, des rôles importants dans l’administration. Dans le domaine, les Nigériens aimeraient savoir ce qui a été fait sous Pierre Foumakoye Gado et surtout avec un des enfants de Zakari Oumarou qui joue dans le domaine des hydrocarbures des hautes fonctions, ce qui a été fait au niveau de la Soraz et de la Sonidep. Il ne faut donc pas, en jouant sur le sensationnel, divertir les Nigériens, pour les nourrir de choux gras, alors qu’il y a ailleurs pire. La Justice que les Nigériens veulent doit être impartiale pour frapper, sans distinction, tous ceux qui, pour une faute ou une autre, devraient répondre devant elle. Les Nigériens connaissent d’autant plus les gaffes d’Issoufou que, pour eux, ce dernier ne peut pas ne pas répondre de ses actes et il doit même être la première victime de la lutte contre l’impunité. Il ne faut pas donner raison à ceux qui, depuis des mois, et encore aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, continuent à dire que le régime actuel ne voudrait pas s’en prendre à Issoufou et son clan, avouant, sans apporter trop de preuves, qu’il serait l’instigateur du coup d’Etat contre son ami.
En politique, il ne faut pas commettre certaines erreurs. La France a promis de rendre son coup. Il ne faut pas lui donner l’occasion et les moyens. Cette ardeur que l’on voit autour de Tiani pourrait, si l’on n’y prend pas garde, vite s’émousser dès que les preuves supplémentaires, comme une telle communication, venaient faire douter de la sincérité de la marche du CNSP.
Les choses de la vie ne tiennent souvent qu’à des fils très fragiles….
Mais la RTN réagit pour recadrer
A écouter un communiqué rendu public par la Rédaction de la RTN, il n’est rien de ce que l’on peut entendre à travers les différentes supputations provoquées par l’élément diffusé. Dans le communiqué lu le dimanche au journal de 20H sur la même chaîne, la RTN clarifie : « Suite à certaines réactions suscitées par la diffusion, hier soir, sur Télé Sahel, d’un reportage relativement à des contrats faramineux qui seraient attribués à des proches du président déchu et rapportés, fac-similés à l’appui, par la presse privée locale, la Rédaction de Télé Sahel tient à apporter les précisions suivantes ». Ces réactions peuvent faire comprendre à quel point les Nigériens se préoccupent de la Justice en exigeant de ramener sur la table tous les dossiers qu’ils ont souvent dénoncés sans être entendus par l’ancien régime. Comme on l’a vu ailleurs, notamment sur Rfi après que Kabila ait quitté le pouvoir, il s’agit d’une série d’éléments à diffuser pour exposer les tares de l’ancien régime à l’image du Kongo Hold-up que la Radio mondiale a diffusé pendant des semaines.
En tout cas, dit la RTN, « Ledit reportage n’est qu’un avant-goût d’une série sur la lutte contre la corruption et le népotisme dans notre pays, relevés sous divers régimes successifs, que la RTN, par devoir d’informer, va poursuivre avec des éléments de preuves tangibles et la collaboration des services compétents de la Justice et de Partenaires nationaux et extérieurs s’intéressant à ce dossier ». Les Nigériens ne demandent pas mieux. Et ils sont impatients de voir le second numéro diffusé. C’est un acte courageux qui fait la RTN, un média boudé pendant des années par les Nigériens et, qui, aujourd’hui, le redécouvrent, comme la star du moment. Personne ne veut aujourd’hui rater ses émissions, ses journaux, car c’est là qu’on trouve désormais la VÉRITÉ.
On s’en félicite d’autant plus que l’on apprend, par le communiqué de la RTN, découvrant sa liberté de ton, qu’ « Il s’agit bien d’une initiative propre de la RTN, contrairement à certaines insinuations parues sur les réseaux sociaux ». Les médias gouvernementaux ne sont donc plus au service de la propagande d’un clan mais dédiés à rendre un service public de qualité. Ainsi, rassure la RTN, « Forte de sa longue expérience dans le secteur de l’information et de la communication, la RTN entend continuer à respecter les règles d’éthique et de déontologie dans le traitement de l’information, en conformité à sa mission de service public ».
Ouf.