L’incendie du CFPM – Tayya : Le Niger paie le prix du laxisme administratif
Le lundi 13 mai 2024, un événement grave a eu lieu dans l’univers des arts et de la culture au Niger. Il n’a suscité d’émoi ni d’interrogations de la part des professionnels du secteur qui, pourtant, excellent dans la critique pour une futilité. Cette tragédie, c’est l’incendie qui calciné une partie du bâtiment du Centre de Formation Professionnelle Musicale (CFPM- Taya). Une semaine après, l’opinion attend toujours un communiqué officiel sur l’ampleur des dégâts et les causes exactes.
Pourtant, c’est un patrimoine inestimable de notre culture qui est parti en fumée. En effet, ce sont des instruments traditionnels et modernes collectés et conservés par l’ethnomusicologue, Dr Maman Garba, selon les normes, que le Niger vient de perdre à jamais. Ces instruments, sacrés ou profanes, incarnent, pour la plupart, l’histoire d’une communauté, d’une famille et de personnalité artistique et sont le plus souvent des pièces uniques dont la place devait être dans un musée.
Le Ministre en charge de la Culture a promis qu’une enquête sera diligentée pour déterminer la cause qui, a tout égard, est connue d’avance : la gestion irresponsable de cet espace devenu un katako bis.
Le CFPM-Taya est tout sauf un lieu de mémoire, un musée, une école. C’est un village, un restaurant, un parking privé, un jardin maraîcher, un asile de désœuvrés dans une administration publique.
Et pourtant, les autorités compétentes étaient/et sont au courant de tout. Des rapports d’inspection administratifs et d’Etat, des notes d’information des services qui partagent le site avec le CFPM ont donné l’alerte. En vain.
Le nouveau ministre en charge de la culture, lors de sa première visite au CFPM, est tellement touché par le désordre qui y règne qu’il a purement et simplement supprimé de la liste des services rattachés au ministère. Mais, il a minimisé la capacité d’un lobby d’acteurs culturels qui a fait de ce centre leur propriété privée avec des bureaux, des jardins, des parkings, des fadas ; chacun a un ouvrier bénéficiant d’un contrat de travail précaire, logé au sein du centre avec femmes et enfants qui mènent des activités telles que la vente de beignets, de kopto, nécessitant le recours au feu de bois entre les bâtiments, dans les bâtiments. Ces groupes d’intérêt se sont opposés à toute décision du ministère allant dans le sens de la sécurisation du site avec des menaces.
Bref, cet incident était prévisible depuis des années. Il est là. Les dégâts sont là. Irréparables. Faut-il continuer à pleurnicher et prendre notre mal en patience ? Allons-nous attendre les résultats d’une enquête alors que le criminel ou la criminelle identifié(e) sera certainement protégé par le même lobby sous couvert de structures associatives ou syndicales qui ne sont pas prêtes à abandonner un espace transformé en une entreprise privée ?
L’incendie du CFPM doit plutôt servir de leçon pour que cela n’arrive plus ou du moins pas dans les mêmes conditions. Aujourd’hui, aucun espace culturel de l’Etat, tant à Niamey que dans les chefs lieu de région, de département, de commune, n’est à l’abri d’incendie avec la cohabitation des restaurants populaires, de familles et des délinquants notoires qui, le plus souvent, n’ont aucun rapport avec lesdits centres.
Ne serait-il pas plus judicieux de nettoyer, de débarrasser nos institutions culturelles dans tout le pays du parasitisme social par la loi et par la force ? En attendant, les syndicats, certains cadres de l’administration du secteur de la culture, doivent faire leur mea culpa et reconnaitre leur responsabilité dans la destruction du patrimoine matériel et immatériel du secteur des arts et de la culture.
Saley Boubé Bali