Par Mairiga
La CEDEAO, face aux coups d’Etat dans certains de ses Etats membres, au lieu d’en avoir une lecture lucide pour comprendre les malaises qui les provoquaient et les justifiaient, s’était laissée embarquée par la France dans une lecture émotive qui leur fit perdre toute mesure et objectivité dans la compréhension des problèmes de ces espaces touchés par un phénomène qu’Emanuel Macron lui-même appelle une épidémie. Si le tout nouveau président nigérian qui prenait en même temps les commandes de l’organisation ouest-africaine, dans l’euphorie de sa double ascension, peut avoir le remords d’avoir trop vite parlé pour annoncer une ligne par rapport aux coups d’Etat, oublieux de certaines considérations internes qui peuvent le contrarier dans ses choix hasardeux, il reste que rien, a priori, ne peut faire comprendre les zèles auxquels se laissait aller le président et voisin béninois qui, au nom d’une amitié récente, prit, sans discernement, une posture belliqueuse contre le Niger sans que rien ne puisse le justifier chez un homme qui a ainsi maladroitement cru que c’était pour lui la bonne manière de défendre ses intérêts dans la manne pétrolière qui transite par son pays pour l’exportation, oubliant qu’il s’agit d’un bien du pays, non d’un président qui lui proposait des amitiés et des complicités nouvelles dans la gestion de l’or noir du Niger. Il joua alors très fort pour la solution guerrière, allant jusqu’à recevoir sur son territoire des bases françaises dans le seul but de faire mal au Niger, son voisin après tout. Les Nigériens ne comprirent rien à un tel choix, les Béninois non plus. Mais, il semble, sans qu’on ne le sache trop, que Talon jouait ses propres intérêts personnels, oubliant ceux de son pays et de ses compatriotes qui ont appris à faire énormément de choses, ensemble avec les Nigériens.
Mais, plus les jours passent, plus la CEDEAO perd ses ardeurs guerrières, décevant une France qui a trop misé sur ses ouvriers ouest-africains pour conduire une guerre par procuration contre le Niger et l’AES, plus des passions se dissipent, et les uns et les autres retrouvent des lucidités, non sans voir, sous leurs pieds, les dégâts de leurs inconséquences, dans leurs propre pays, alors qu’ils espéraient tous les malheurs pour le Niger et pour les Nigériens. Le feu sortait de l’atelier du tisserand au lieu de la forge du forgeron où il était logiquement attendu. Le Niger, de manière admirable, résistait, les Nigériens tenant debout, refusant de courber l’échine et de faire voir une seule larme sur leurs visages, rayonnant de fiertés nouvelles. Pendant de longues semaines, le peuple béninois avait crié ses souffrances du fait des sanctions imposées au Niger, mais Talon n’entendit rien de leurs soupirs, décidé à plaire à Paris, même quand son propre peuple devrait souffrir de telles initiatives qu’il peut appliquer avec un zèle qui étonne surtout s’agissant d’un tel homme qu’on ne pouvait jamais croire capable d’une telle servilité à l’endroit de l’impérialisme et, surtout, quand on peut se rappeler que pour être métis et pour avoir vécu plus en France, il trouvait là le moyen d’éconduire un de ses adversaires à la présidence du Bénin, tout Béninois qu’il est quand même.
Les sanctions prises alors contre le Niger l’étaient aussi contre le Nigéria, contre le Bénin, et sans doute aussi contre la Côte d’Ivoire. Mais, nous avions déjà souligné que le plus grand perdant dans cette histoire reste d’abord le grand voisin, le Benin et son président Patrice Talon. Il l’a compris un peu tard et, ce, même quand, pendant de longs mois, sa population criait sa détresse, désapprouvant des sanctions dont les conséquences se font aussi sentir chez elle. Hélas, dans l’espoir des souffrances attendues du peuple du Niger, le président-guerrier ne peut entendre entre les cris et voir les larmes de son peuple. Mais, alors qu’il affichait un profil bas depuis des semaines, s’éloignant de la position militaire de la CEDEAO, ménageant ses propres intérêts enfin, depuis que le Niger préparait la mise en service de l’oléoduc qui passe par son pays et un de ses ports, il fut obligé de jouer au réalisme, affichant un profil bas.
Nouveaux clignotants….
Patrice Talon, dans la crise nigérienne, change de direction, faisant enfin le choix de ses propres intérêts qui peuvent alors ne pas être ceux de la CEDEAO ou de Paris. Il comprenait qu’en tout, l’on doit jouer ses propres intérêts. De ce point de vue, la France n’a jamais changé : en tout, elle ne joue que ses intérêts. Et, en cela, elle peut se servir des mains nègres serviles et serviables de ses ouvriers africains qui, pour lui faire plaisir, peuvent même marcher sur leurs propres intérêts. La semaine dernière, le Président béninois, devant son parlement, adressait un message à la nation où il exprimait sa volonté de normaliser ses relations avec les pays dans lesquels des coups d’Etat s’étaient passés. Dans ce message, le Niger occupait une belle place car, comme il fallait s’y attendre, plus qu’un autre pays, et plus que le Niger, c’est aussi le Bénin qui souffrait des sanctions et des mesures de fermeture de frontières que le Bénin a été amené à appliquer aveuglement avec une fermeté destructrice voire suicidaire.
Rétropédalage…
Profitant de son discours annuel sur l’état de la nation devant les représentants du peuple béninois, Patrice Talon tend la main aux régimes militaires pour une « rapide normalisation avec le Niger et les Etats voisins ». Quand on sait le désastre que les sanctions ont causé à l’économie béninoise, aux acteurs économiques et des transports du Bénin, au port de Cotonou, et surtout une opinion béninoise très hostile aux sanctions et ayant maintes fois exprimé sa désapprobation, l’on ne peut que comprendre le revirement du Président Béninois. Talon ne peut longtemps ramer à contre-courant de l’opinion de son peuple même s’il fait le choix de ne pas se représenter en 2026. Sa décision, pour l’Histoire, est d’autant importante qu’il ne saurait engager son pays dans des initiatives qui peuvent, pour longtemps, impacter les relations avec d’autres peuples qui sont, en plus, des voisins avec lesquels il a intérêt à préserver les relations séculaires de bon voisinage. L’Histoire ne doit pas retenir que c’est lui qui les avait portées à un tel seuil de détérioration surtout que le Niger reste le premier partenaire économique du Bénin. Dans la partie concernant le Niger, le Président béninois prétend que « Le Benin n’a jamais voulu ni souhaité que les sanctions imposées par les instances communautaires et internationales aient pour effet de compliquer le quotidien des populations ou de leur rendre la vie encore plus difficile, car nous sommes convaincus qu’il un temps pour condamner, un temps pour exiger, un temps pour faire le point, voire pour prendre acte ». Si ce n’est pas pour compliquer le quotidien des populations, pourquoi alors le Bénin mettait en œuvre les sanctions de fermeture avec souvent des conditions d’enlèvement au port qui tranchent avec les règles jusque-là connues ? Pourquoi, sachant le caractère vital du pont entre Malanville et Gaya, seule issue pour le transit des marchandises, le Bénin décidait quand même de fermer hermétiquement pour empêcher au Niger de s’approvisionner en produits de première nécessité ? Pour quel intérêt si ce n’est pas justement pour compliquer la vie aux Nigériens ? Mais bon, passons, il parle comme un politicien.
Patrice Talon a manqué de courage. Il aurait dû simplement reconnaitre son erreur et demander humblement pardon aux deux peuples du Niger et du Benin, et solliciter que les amitiés reprennent et que les peuples, ainsi qu’ils en ont l’habitude, reprennent leurs échanges. Qui ne peut pas se tromper ? Il y avait pourtant de quoi s’en défendre surtout que, dans les textes de la CEDEAO, il n’y a rien de ces sanctions qu’on prenait contre le Niger. Comment Talon peut-il se défendre quand, justement, il n’y a rien qui puisse justifier la décision de ces sanctions par les textes mêmes de la CEDEAO ? Pourquoi doit-il se plier à des décisions qui ne sont pas légales même quand elles viendraient d’une instance régionale mais irrespectueuse de ses propres textes ? En décidant de se plier à l’illégalité pour faire plaisir à Paris contre les textes de la CEDEAO, Patrice Talon fit un choix qui ne peut permettre de l’excuser. C’est pourquoi il est de bon ton pour lui de reconnaitre qu’il s’était engagé du mauvais côté depuis que, pour réagir face aux différentes crises, la CEDEAO ne devrait plus agir par elle-même mais sous les injonctions d’un autre et notamment de la France et dans le cas d’espèce contre les intérêts de la CEDEAO.
Un « Pardon » humble et politiquement courageux de la part du Président béninois, aurait pu aider à régler définitivement cet épisode malheureux entre les relations entre les deux pays qui ont tout intérêt à raffermir leurs relations.
Le discours, tel que l’on l’a entendu, ne peut suffire à ramener la normalité ainsi que le souhaite Talon surtout quand, dans la même période, le Bénin, ouvre son territoire à la France pour prendre position sur les frontières avec le Niger et le Burkina Faso. Patrice Talon, en soufflant ainsi le chaud et le froid, peut-il rassurer ses voisins ?
Pour l’instant, il y a de quoi se méfier du Voisin.