Le message de la jeunesse d’une Afrique en reconstruction
Le vendredi 05 juillet 2024, dans l’après-midi, les populations de la capitale nigérienne, avaient accueilli en grande pompe, avec ferveur, le Président de la transition burkinabé, le Capitaine Ibrahim Traoré. Les Burkinabés avaient eu peur que les Nigériens ne leur arrachent leur héros. Le grand homme vibrait dans les cœurs des Nigériens sortis massivement pour lui traduire l’hospitalité légendaire des Nigériens, hommes et de femmes de paix. Cette mobilisation des populations est assez révélatrice d’un ras-le-bol des Nigériens, en particulier, et des Sahéliens, en général, et surtout quand, un jour après le sommet de l’AES, la CEDEAO tient le sien à Abuja, avec, des Blancs que l’on voit en nombre, sans qu’on ne comprenne ce qu’ils ont à faire avec cette organisation à laquelle, ils ne peuvent pourtant pas appartenir, même géographiquement.
C’était donc un accueil des grands jours que l’on réservait au Capitaine burkinabé, aujourd’hui adulé par une certaine jeunesse africaine sur les réseaux sociaux. Les images de cet accueil ont d’ailleurs fait le tour du monde et le Burkina Faso a pu comprendre que son homme n’est pas aimé que par son peuple ; il est aussi cet enfant de l’Afrique, d’une Afrique qui se réveille et qui apprend à dire non lorsque les circonstances l’exigent. Et le Capitaine Ibrahim Traoré ne pouvait pas ne pas être sensible à cette ferveur populaire qui l’a obligé à descendre du véhicule, marchant de l’aéroport jusqu’à la présidence, près d’une dizaine de kilomètres parcourus avec son hôte, le Général Abdourahamane Tiani, pour saluer les foules amassées le long de la voie. C’est d’autant exaltant que l’on peut voir tant de jeunes, ivres d’ardeurs nouvelles, réinventant leur Afrique, désormais en reconstruction au Sahel. L’Homme que les Nigériens recevaient ne pouvait donc pas ne pas rendre hommage au peuple nigérien « qui a tant souffert depuis l’avènement du CNSP et qui continue de rester debout, malgré les épreuves injustes et méchantes, malgré les souffrances qu’on lui imposait, décidé à demeurer digne. Il dira d’ailleurs, « Merci aux Nigériens qui nous ont réservé un accueil chaleureux, hier, lorsque nous avons foulé le sol de notre patrie, ici ».
Très touché par la chaleur de cet accueil, il en donne des échos à l’ouverture du sommet, portant ce message plein de sens aux Nigériens : « Vous êtes plus que des amis, plus que des voisins, vous êtes nos frères et nos sœurs parce que la fraternité va au-delà de l’amitié ou du voisinage, nous avons le même sang qui coule dans nos veines ». C’est certainement pourquoi, il a rappelé les solidarités qui sous-tendent l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui, au lieu de se faire la guerre ainsi que la CEDEAO pourrait l’envisager contre le Niger, sont, eux, solidaires dans la guerre contre le terrorisme que les mêmes forces obscures leur ont imposée. Il rappelait à juste titre leur position ferme contre la guerre : « Nous avons donc dit, quiconque osera s’en prendre au Niger nous aura en face parce que nous mènerons une guerre sans merci jusqu’à la dernière goutte de sang pour quiconque osera s’attaquer à nos Etats. Cette parole, cette décision que nous avons eue hier, est d’actualité aujourd’hui, et sera d’actualité demain et pour toujours ». Face à un tel engagement guerrier, la salle avait vibré pour saluer la hardiesse de ces propos.
Le Président nigérien, prenant à son tour la parole, n’a pas manqué d’exprimer toute la gratitude du CNSP, du gouvernement et du peuple nigérien face à cette marque de solidarité qui vient à des moments compliqués de l’évolution de nos pays, affirmant que « [s]on pays [leur] rend hommage pour cette position face à l’agression ». Pourquoi donc, doit-on retourner chez des « amis » qui étaient prêts à vous porter une guerre quand vous avez d’autres, qui, eux, viennent pour vous y soutenir ? Et il n’est que dommage que la CEDEAO ne puisse pas comprendre les décisions des pays de l’AES qui ne se retrouvent plus dans cette communauté qui fait, au lieu de la solidarité et de l’intégration, le choix de la belligérance et de l’agressivité. Dans de telles conditions, nous ne nous sentons plus obligés d’être avec la CEDEAO. Au contraire…
Ces regards, sans doute, plus que jamais, font la force de l’AES où des peuples ont appris à s’aimer afin de faire de l’AES une communauté des peuples, toute chose que ne pouvait pas être la CEDEAO aujourd’hui détournée par l’impérialisme européen pour agir contre elle-même et contre les intérêts de ses peuples, sous le prétexte fallacieux de défendre une farfelue démocratie qui ne saurait se limiter à des élections wiya-wiya et l’existence de partis politiques souvent sans éthique. D’ailleurs, comment peut-on organiser des élections dans des Etats qui ne sont pas en paix, des pays dans lesquels sévit l’insécurité ? Qui voudrait-on qui vote ? Les terroristes ? Terrible France.
On ne peut donc pas comprendre certains qui font croire que parce que les dirigeants de l’AES seraient venus par les armes, ils ne peuvent pas porter des changements majeurs pour le pays et pour l’Afrique et qu’il faille mieux faire la promotion de la démocratie. De quelle démocratie parlent-ils, de celle bricolée par Ouattara ? De celle de la persécution d’opposants de Talon ? De celle de sang de Macky Sall qu’une alternance parodiée a fait partir du pouvoir le temps que le peuple sénégalais découvre un jour l’arnaque ? Soyons sérieux. Sous nos tropiques, toute démocratie n’en est pas une et c’est cela qui conduit justement à des coups d’Etat. D’autres – et ils sont les plus nombreux sur le continent – pensent qu’il faut des courages comme celui-là de l’AES pour que l’Afrique se libère enfin, et prenne en main son destin, tout en acceptant de payer le prix qu’il faut. En effet, criera le roi Christophe, chez Aimé Césaire, « il n’y a pas de liberté facile ! ».
Mais quel sens faut-il donner à cet accueil grandiose des grands jours que ne peuvent mériter tous les hommes ? Si les Nigériens sont massivement sortis alors que, depuis quelques semaines, certains ont commencé à douter, c’est que le symbole du Capitaine en est pour quelque chose. Pour bien d’observateurs, c’est la personnalité du capitaine burkinabé qui mobilisait tant de foules qui tenaient à voir ce héros, peut-être d’avoir la chance de lui serrer la main, et pourquoi pas, de faire un ‘’selfy’’ avec lui ? Cette mobilisation, pour ceux-là, est un message du peuple envers ses dirigeants pour dire à quel point cette jeunesse est assoiffée de liberté, de modèle de leadership, tenant à une vraie révolution qui ne trahit pas ses aspirations. Il est vrai que les âges ne sont pas les mêmes pour être dans les mêmes postures, mais, par les actes que les uns et les autres posent dans leurs pays, il faut qu’on lise cette volonté de changer radicalement de gouvernance, d’aller à de nouvelles options qui fassent table rase de ce que l’on a connu jusqu’ici et, notamment pendant douze ans, sous les Renaissances.
Et plus qu’à nos dirigeants, cette mobilisation est un message également pour le monde extérieur qui a souvent cru que, par rapport à ce qui est en train de se passer au Sahel, l’on est dans une forme de manipulation, notamment de la part de la Russie qui serait pour la France, se dédouanant de ses erreurs, la cause de ses déboires au Sahel. Ce qui se passe dans cette partie du continent est un choix des peuples fatigués par des régimes pourris qui les avaient sucés et ignorés, oubliant leur devoir vis-à-vis de ces peuples méprisés. Pendant Issoufou, les Nigériens ont dénoncé sa gouvernance, mais la France de Macron a refusé d’écouter, accrochée à ses clichés pour célébrer des hommes et leur système qui n’en valaient pas la peine.
Et voilà, la France est tombée dans son propre piège…
Alpha