Je voudrais, si toutefois comme d’habitude on n’en fait pas un problème de personne, apporter ma petite contribution au débat engagé autour d’une langue nationale où le haoussa semble jouer la vedette. Mais, avant de poursuivre, je propose que nous levions toute équivoque. Il a été en effet donné de constater que certains esprits confondent langue nationale et langue officielle.
Sous le contrôle des linguistes, définissons la langue nationale comme étant celle parlée par l’ensemble ou la majorité des citoyens d’un pays et la langue officielle comme étant celle qu’un pays partage avec d’autres pays du monde et qui lui permet de gérer les affaires administratives, politiques et économiques.
Tandis que la langue nationale nous vient du groupe social spécifique où nous sommes nés, de nos parents surtout, la langue officielle est, elle, concernant nos pays africains, le produit d’un système éducatif imposé par le colonisateur.
En collaboration avec le service d’alphabétisation, et pour pérenniser l’enseignement du haoussa expérimenté à Zinder, il existait à l’institut national de recherche et d’animation pédagogique, (INDRAP) où je travaillais, une section chargée de la réforme du système éducatif et de la promotion des langues nationales. Remarquez que je viens de dire des langues nationales !
En effet, après avoir surtout mis l’accent sur la promotion du haoussa, les autres composantes de la population qui n’étaient pas concernées, ont aussi réclamé leur présence dans le programme d’enseignement.
A l’époque, 9 langues avaient été d’abord répertoriées et, sous la supervision du docteur linguiste Abdou Mijinguini des cellules chargées de les transcrire en vue de les intégrer, furent installées sous la direction générale de feu Saadou Galadima.
Les autorités administratives et politiques, dès lors, prirent conscience que désigner une langue nationale dans un pays où il existe plusieurs groupes ethniques pouvait être une source de conflits. Fallait-il alors accepter que, dans un pays, il existe autant de langues nationales que de groupe sociolinguistiques ?
En 1976, l’Amérique nous permit de répondre à la question. En effet, le département d’Etat demanda à l’organisation ‘’ Cross Road Africa’’ d’organiser un voyage d’étude multisectoriel à l’intention des jeunes fonctionnaires de 25 pays africains pour une durée de 45 jours. Les enseignants travaillant dans un institut de recherche étant concernés, feu Kailou Malam Gérard et moi fûmes désignés à y prendre part. J’ai mis l’occasion à profit pour produire un récit de voyage intitulé ‘’ Balade aux Etats Unis’’ où je rapportais que nous avons appris qu’étudier sa langue maternelle permet de découvrir sa valeur culturelle égale à celle de toute autre langue afin d’éliminer tout complexe d’infériorité chez le locuteur.
En 1995, alors que je dirigeais l’école normale Bawa Jan Gorzo de Maradi, l’UNESCO me donna l’occasion de participer à un colloque à Lillehammer en Norvège pour traiter de la situation des écoles à classes multigrades, des écoles à classe unique abritant plusieurs niveaux ainsi que du problème linguistique d’une minorité appelée Sami.
Dans mon rapport de mission, je mentionnais qu’en 1992, 21 000 enfants parlant 75 langues différentes recevaient un enseignement obligatoire en Norvégien ainsi qu’un enseignement particulier dans leur langue maternelle.
Je ne sais pas si vous avez remarqué combien nos enfants auxquels certaines circonstances de la vie n’ont pas permis d’apprendre la langue de leurs mères ou de leurs pères, se sentent désarmés lorsqu’ils se retrouvent dans leur milieu d’origine ?
Que faut-il retenir sinon que dans un pays il existe autant de langues nationales que de groupes linguistiques, chaque groupe étant jaloux de la valeur culturelle de sa langue.
Pour éviter les troubles sociaux, le choix de l’une de ces langues, parlée par une majorité supposée du peuple ne peut être possible qu’avec le consentement des groupes non retenus qui sont en droit d’exiger la prise en charge effective de leurs langues par le système éducatif.
Ada Boureima
Tel : 96 82 96 75