Alors qu’on attendait le feu chez le forgeron, il vient de chez le tisserand. Cet adage n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui. Les sanctions que la CEDEAO prenait contre le Niger n’auront pas eu les effets escomptés au Niger où attendant pendant un mois, puis deux mois, puis trois, puis quatre, la CEDEAO ne vit rien et la France, trompée sur le cas du Niger, anxieuse et triste de voir le Niger tenir malgré l’embargo, se contente de gronder ses enfants-nègres qui n’auront pas été capables de la venger au Niger après l’affront subi, entend les plaintes d’où elle ne l’espérait pas.
Ceux qui les décidaient avaient cru qu’elles ne pouvaient que faire souffrir le seul le Niger auquel on les destinait. Les gens oubliaient trop vite pour ne pas considérer que nous sommes dans une communauté économique où les économies sont interdépendantes, de sorte que, tout ce qui touche une économie touchera forcément les autres économies. Quelques mois après la mise en œuvre, non sans zèle de Patrice Talon, c’est du côté du Bénin que venaient les premières plaintes, les Nigériens, restant, eux, sereins, mais résistants, supportant avec courage les affres des sanctions iniques. Sachant bien d’où elles viennent après avoir vécu dans leur chair et enduré douze années de socialisme asocial qui leur aura fait voir de toutes les couleurs, pour leur fierté, les Nigériens ont su courageusement supporter la pénibilité d’une situation forcément conjoncturelle que des méchants leur imposent, surs d’en sortir, victorieux.
Avant de s’en rendre compte, le pays de Talon avait déjà crié son mal-être, avec les premiers cris qui venaient de son port déserté et désormais malade du fait de l’abandon des prestataires Nigériens qui constituent la part la plus importante de sa clientèle, de Malanville aussi et de toutes les villes proches qui écoulent leurs produits du côté du Niger. Certains Béninois allaient jusqu’à lui demander de les dédommager pour le manque à gagner que la mise en œuvre de ces mesures leur causait.
Pendant ce temps, il n’y avait aucune larme sur nos visages de Nigériens qui résistaient, stoïques, restant dignes devant les épreuves qu’ils endurent, mais certains que, très bientôt ils en sortiront, plus libres et plus grands. C’est pourquoi, quand on regarde de près, l’on se rend compte que le plus grand perdant dans cette histoire est d’abord le Président Talon qui, pour avoir manqué de tact, a fait perdre son économie des parts de marchés importantes, et à causer le ralentissement sinon l’arrêt des activités de ses concitoyens qui se sont ainsi retrouvés sur les carreaux.
A-t-il pu entendre les lamentations de ses populations gênées par les positions extrêmes qu’il prenait contre le Niger, un pays avec lequel, elles avaient su tisser des relations empreintes de cordialité et fraternité que des échanges économiques ont davantage cimenté ? Pourquoi et pour quel intérêt faisait-il cela ? Personne ne peut le comprendre !
Port déserté
Le port de Cotonou qui, en dehors des importations nationales qui ne servent que très peu de Béninois, ne vit que par le transit à travers le Niger et les importations du Niger que l’on sait très importantes tant pour les produits alimentaires que pour les véhicules d’occasion. En refusant l’accès de son port aux Nigériens, le Benin se débarrasse d’une part importante de sa clientèle et, donc aussi, de ses revenus au profit de son trésor qu’aucun autre pays ne peut venir combler. Le Benin, sinon Patrice Talon, oubliant trop facilement, que même enclavé, le Niger ne vit pas que du Bénin alors que le contraire pourrait être vrai. La question stratégique qui se pose aujourd’hui est l’avenir de ce port pourtant stratégique, au regard de sa configuration géographique au sein d’une CEDEAO en passe de disparaitre. Que deviendra le port de Cotonou les années à venir, quand, en plus du Niger qui s’en est détourné pour aller ailleurs, notamment au Togo, tout en explorant les voies algérienne, libyenne, ghanéenne, il y a le Mali, une partie du Nigéria qui ne pourront plus venir quand le Niger ne peut plus faciliter le transit des usagers venant d’un pays qui a joué contre le nôtre.
Frontière fermée…
Dans ce jeu d’échec, le grand gagnant reste le président togolais qui a fait preuve de réalisme, en refusant de s’associer au complot contre le Niger, ouvrant, grandes, les portes de son pays et de son port aux acteurs économiques du Niger. Aujourd’hui, alors que l’économie béninoise est en berne, pour s’être débarrassée d’acteurs qui jouent énormément pour son économie, au Togo, l’économie vit en regain d’intérêt et les caisses de l’Etat le ressentent, vivant des jours heureux. Ils sont par ailleurs nombreux les camionneurs béninois privés d’activités depuis des mois, condamnés à l’oisiveté fastidieuse et à la déche humiliante. Beaucoup de producteurs agricoles ont également vu leur production pourrir devant leurs yeux impuissants, sans avoir le prix de leurs efforts qui ne se faisaient plus que pour la consommation locale. Que dire des transitaires mis au chômage et autres commerçants qui ne vivent que de leur mobilité sur les deux frontières, obligés d’arrêter ou de prendre des risques pour ne pas périr de faim ?
Alors que Talon voudrait que la frontière s’ouvre pour soulager les souffrances des siens, c’est le Niger qui refuse, d’une part, lui faire payer son inimité et, d’autres part, pour continuer à regarder ce voisin avec encore trop méfiance dès lors qu’il a montré qu’il peut envisager les pires décisions contre notre pays. Evidemment, les Nigériens font le distinguo entre les autorités du Bénin, complices de la CEDEAO et d’Emmanuel Macron, et le peuple béninois, frère, qui s’est montré solidaire du Niger, refusant de cautionner la décision de son président qui donne, par de tels erreurs de calcul, de l’eau à moudre à ses adversaires qui s’organisent aujourd’hui dans le pays pour la prochaine présidentielle pour laquelle, en principe, si ce n’est par la bénédiction de Paris comme Ouattara en a bénéficié, il ne devrait plus se présenter. On a d’ailleurs vu, en plus des voix que l’on a entendues dans le pays, au Niger la communauté béninoise se mobiliser pour soutenir le peuple du Niger dans les épreuves qu’il traverse. Isolé dans son pays, le président béninois a fini par comprendre qu’il s’est trompé et depuis qu’il est allé se terrer dans ses lucidités retrouvées, l’homme parle peu du cas du Niger, rattrapé par des intérêts de son pays que le pipeline mettait en jeu et qu’il ne saurait compromettre.
Et l’oléoduc a frappé à la conscience
Après qu’il ait vu les activités du port diminuer d’intensité de manière drastique et que rien, en partance du port, ne peut plus aller au Niger, pour le Niger et d’autres destinations, Patrice Talon a vu son économie s’effondrer. Et ça, les spécialistes et autres calculateurs de la CEDEAO ne le lui avaient pas dit pour les prévenir des probables répercussions que les mesures pouvaient avoir sur son économie. Il devrait donc reconstruire son économie, lui trouver les moyens qui puissent lui permettre de retrouver son souffle quand il ne devrait plus compter avec la destination Niger. Et c’est lui qui avait voulu qu’il en soit ainsi. Les acteurs économiques nigériens, à qui l’on a imposé des conditions difficiles pour enlever leurs marchandises, ont fini par partir du port de Cotonou et n’entendent plus y revenir pour vivre, un autre jour, les mêmes calvaires pour des humeurs qui ne se justifiaient pas. Il y a des relations de personne à personne qui ne peuvent impacter les relations d’Etat à Etat. Si Mohamed Bazoum, par rapport à des combines sur le pétrole brut du Niger, est devenu au gré des circonstances le nouvel ami de Talon, ce dernier peut-il pour autant avoir cette attitude contre le Niger, oublieux de ce que les deux pays ont construit ensemble avant que le hasard de l’Histoire ne les porte à la tête des deux Etats, étant entendu aussi que le pétrole est un bien du peuple non de Bazoum ? Mais tant pis.
A-t-il donc compris l’inconfort qu’il s’est créé ?
Nous avons dit que depuis quelques jours, Patrice Talon , sur le cas du Niger , est devenu réservé, parlant peu, peut-être parce qu’il a entendu la grogne dans son peuple qui désapprouve son engagement dans le dossier, l’appelant à préserver les bonnes relations entre les deux pays qui, du reste , sont aussi presque les même, n’eussent-été les tracés arbitraires de la colonisation qui les divisaient pour mieux les dominer, ainsi que le projet insensé de cette guerre contre le Niger est venu le montrer. Au sortir du sommet du 10 décembre, alors qu’au Niger tout le monde s’attendait à la décision de la CEDEAO et notamment le maintien des sanctions contre le Niger, l’on apprenait qu’avec Faure Gnassimbé, Patrice Talon devrait former l’équipe de facilitateurs pour engager des négociations avec la « Junte » pour arriver, à terme, à la levée des sanctions ou à leurs allégements. Si l’on est étonné que la même CEDEAO qui proposait quelques jours plus tôt de l’argent aux pays de l’AES pour les soutenir étrangement dans la lutte contre le terrorisme, une générosité dont se méfie le Sahel, l’on peut tout aussi être surpris que Patrice Talon, ce ‘’complicateur ‘’ de notre situation qui surgit, sautant sur l’occasion, alors qu’il ne participait pas au sommet, comme facilitateur de la crise nigérienne. Sur les réseaux sociaux, ils étaient nombreux à le récuser comme médiateur car, pour les Nigériens, il est aussi une bonne partie du problème du Niger. Mais, on peut aussi comprendre que, pour lui, il s’agit là de trouver le moyen de prendre langue avec le Niger pour, qu’au-delà de la CEDEAO, il puisse régler ses propres problèmes avec le Niger. Rien, en effet n’exclut qu’un autre jour, si les relations devraient aller au pourrissement, que le Niger ne décide avec son partenaire chinois, de détourner l’oléoduc pour une nouvelle destination surtout que les premiers clients du brut nigérien son le Mali et le Burkina Faso invités au lancement de la mise en place du pipeline. On aura alors compris que le président béninois cherche une porte officielle pour rentrer au Niger, en se servant notamment du prétexte de la CEDEAO. Réussira-t-il a à se faire accepter comme médiateur par les Nigériens et leurs autorités ? On imagine le cas de conscience qui se pose au président béninois.
But, Wait and see…