Transition et tenue d’élections dans les Etats du Sahel
Le débat semble faire rage. Au Mali certainement et au Niger, encore timidement, posé par certains acteurs impétueux, pressés de revenir pour vivre leurs vieilles amours car déjà plongés dans la disette, la saison de vaches maigres. Quand on voit ce débat ressurgir, l’on ne peut que s’en préoccuper que pareil sujet, sournoisement glissé dans les débats pour éloigner le peuple des urgences, vienne divertir et remettre en selle l’agenda de la force impériale qui, visiblement, a changé d’option, pour agir sur d’autres paliers afin de mettre à mal les transitions sahéliennes vivement saluées et accueilles par les peuples. Elle sait que cette question pourrait aiguiser les appétits de gens qui ont été privés des privilèges et des prestiges du pouvoir. En tout cas, le débat est là et il faut faire avec. Au Mali, il a fait sa première grande victime, le Premier Ministre Choguel Kokala Maïga, limogé la semaine dernière, faisant trembler l’écosystème de l’AES aujourd’hui réveillée dans la conscience de ses vulnérabilités. La question agite donc l’AES et on comprend les enjeux politiques de ce débat inopportun qu’on voudrait imposer aux peuples alors que certains préalables ne sont toujours pas réglés. Dans le cas du Niger, qu’est-ce qui a été aujourd’hui fait qui puisse permettre matériellement, de tenir des élections dans le pays ? La sécurité, est-elle suffisamment restaurée dans le pays pour ouvrir des campagnes électorales sur toute l’étendue du territoire ? La sphère politique, a-t-elle été assainie ? Les lois et les structures des élections, sont-elles décidées ? Au Niger, même le forum national n’a pas encore tenu ses assises, alors que la lutte contre l’impunité semble s’embourber dans les marécages.
Dans le contexte actuel, il ne peut qu’être effrayant d’aller dans des élections quand, d’une part, la sécurité reste toujours problématique et quand, d’autre part, dans le fait, l’on ne peut pas sentir une réelle rupture qui met le pays à l’abri de la même pègre et des mêmes pratiques qui ont enfoncé le pays dans l’abîme. Voudrait-on, ainsi que le dit un adage avisé du terroir, « tresser sur des poux » ?
Mais, de la même manière que les termes dans lesquels le débat est posé ne sont pas compréhensibles, l’on peut également dire que ne pas poser de manière responsable la question pourrait être contre-productif. On ne peut pas zapper des questions essentielles, quand, à celles-là, il est possible d’apporter des réponses politiques. La situation, si elle devait perdurer, pourrait-elle être tenable pour des militaires dont la mission est plus ailleurs et qui, plus, venaient pour mettre de l’ordre et éviter au pays de sombrer ? Un certain réalisme commande de regarder sereinement la situation et de trouver les voies et moyens de trouver les réponses à des situations qui peuvent ne pas être les mêmes qu’on pourrait de manière uniforme appliquer aux trois contextes, selon des réalités différentes. C’est sans doute aussi pourquoi, pour bien d’analystes, il y a à faire attention à ceux qui, autour du CNSP, le poussent à rester indéfiniment au pouvoir, et donc à violer sa parole qui était de dire au peuple qu’il venait pour mettre de l’ordre. L’entourage est quelquefois à craindre, car souvent, il ne vous aide pas à avancer. Ils n’apprécient pas objectivement mais pour défendre des privilèges que leur donnent les nouvelles proximités avec le nouveau pouvoir. C’était eux qui avaient perdu Baré et Tandja alors qu’ils avaient une autre voie, celle de l’élégance et de la sagesse pour comprendre que personne, parce que d’abord mortel, ne saurait être indispensable à un pays.
Retenir les leçons du passé…
Il faut donc éviter de retomber dans les mêmes travers, dans les mêmes erreurs lorsqu’une humilité commande de comprendre la fin des moments où nous devrons avoir joué notre partition dans la marche de l’Etat. Les Officiers du CNSP, comme ceux du CMS à jamais gravés dans la mémoire collective des Nigériens, ont une chance unique de rentrer dans l’Histoire pour que, dans la nouvelle histoire décolonisée et décomplexée du Niger qu’on est en train d’écrire, soit enseignées aux générations montantes leurs épopées, ainsi que l’a commandé le Général Tiani.
Les pays de l’AES ne doivent pas oublier que, même chassée, la France, pour autant, ne nous a pas laissés tranquilles, comme le voulait le Premier ministre, Ali Mahamane Lamine Zeine. Elle nous suit encore. Elle nous poursuit. Elle est en désarroi. Elle a conscience de ce que ce divorce lui coûte. N’est-ce pas que, pour certains analystes avertis, d’ici peu, si cette situation devrait perdurer, l’économie de la France, ainsi qu’on peut voir aujourd’hui des signaux terribles, s’effondrera et sombrera et le pays périclitera pour perdre sa position de puissance mondiale. Il y a de quoi s’affoler. Sans doute que Tiani et ses compagnons savent à quoi s’en tenir face à une telle France aujourd’hui traumatisée par ce qui lui arrive sur le continent, notamment avec les Sahéliens qui ouvrent les yeux aux Africains pour leur apprendre à se révolter contre elle. Nos révolutions ont donc des adversaires, pour ne pas dire des ennemis, qui ne nous faciliteront pas la tâche. Il faut encore veiller sur les régimes et les aider à réussir en portant jusqu’au bout les transformations engagées
Si le Gouverneur de Niamey était venu à s’exprimer publiquement sur le sujet, c’est que le CNSP sait qu’il y a des gens qui, autour de lui, piaffent d’impatience et tirent sur ce sujet, pour affaiblir l’élan qu’il y a autour de lui et dérégler la montre qui, selon eux, doit marcher au rythme de leur propre agenda troublé par les militaires au pouvoir. Les pouvoirs ne sont pas une urgence même si nous savons qu’il faudra forcément y aller pour rétablir une nouvelle démocratie reconfigurée aux aspirations et aux réalités propres des peuples. Il faut méthodiquement mettre en place le processus devant y conduire pour éviter les mêmes fiascos connus de par le passé. C’est pour cela qu’il faut assainir la classe politique aujourd’hui infestée par une pègre à qui la transition doit faire payer ses fautes en la bannissant des compétitions électorales.
Mairiga