On se rappelle les graves décisions que prenaient les chefs d’Etat de la CEDEAO pour croire qu’ils trouvaient les moyens de régler les problèmes de coup d’Etat dans son espace, oubliant qu’ils ne s’en prenaient qu’aux conséquences au lieu de viser les causes profondes et qui leur sont imputables car venant de la qualité de leur gouvernance dans des systèmes où ils refusent d’écouter la critique ambiante. En décidant de mettre en marge les pays où se passaient les coups d’Etat, de les isoler et même de leur porter une guerre parrainée par l’impérialisme français, la CEDEAO, sans s’en rendre compte, allait contre ses propres principes de solidarité et d’intégration et, ainsi, créait les conditions de son implosion inévitable surtout quand, pour les populations de son espace, ces décisions venaient d’un autre qui n’avait aucune raison de s’immiscer dans ses affaires. Les positions extrémistes des plus serviles des sous-préfectures africaines de la France n’ont quand même pas fait l’unanimité au sein de l’organisation. Pendant que certains s’en éloignaient, gardant un mutisme sur le débat qui s’enflammait, d’autres, courageusement, à l’image du Président togolais, prenaient des positions, et refusaient d’appliquer les mesures Made in France que la CEDEAO avait eu l’ordre d’appliquer aveuglément même quand elles ne servent pas ses intérêts.
Cette confrontation avait eu le mérite de remettre au goût du jour la place d’une telle CEDEAO au milieu des malaises africains surtout quand, dans le même moment, l’on peut voir la France investir tous les espaces, jusqu’à choisir à la place des peuples, au moyen de simulacre d’élection, des dirigeants à la tête des pays francophones. Mais, plus les jours passent, plus ces gens se rendent compte que c’était une erreur grave car, après plus de soixante ans d’indépendance, il est inadmissible que le colon revienne pour se servir des mêmes Nègres pour détruire d’autres Nègres, certains Africains encore complexés, refusant de mûrir pour comprendre les manipulations dont ils sont l’objet et la marche du monde.
Mais, l’on sait que beaucoup de ceux qui s’en prenaient aux pays du Sahel, dans leur for intérieur, savaient bien que cette voie que prenait l’AES est la bonne, y compris pour toute l’Afrique même s’ils n’ont pas le courage de l’avouer publiquement. Cette seconde libération est un besoin historique tant que les Africains voudraient aller à la dignité et à la vraie indépendance. Alors que la CEDEAO prenait la décision, enfin, de reconnaitre le retrait des trois pays, elle ne peut que chanter que cela, pour autant, ne les empêche pas d’appartenir à la Communauté, reconnaissant de fait l’AES comme un autre regroupement qui pourrait être un partenaire précieux du fait de son poids démographique, de sa superficie imposante, des ambitions du nouveau regroupement et des ressources immenses dont regorge cette géographie de l’Afrique de l’ouest. Aujourd’hui, avec le recul, les ardeurs se sont tempérées, et souterrainement, chacun des pays essaie de protéger ses relations avec chacun des trois pays. Au même moment, même lorsqu’elle agite son projet mort-né de nouvelle monnaie – ECO – pour donner un faux espoir, personne ne fait attention à elle, et depuis, l’on se demande si l’organisation existe réellement de nos jours. La CEDEAO, à la vérité, est à l’agonie.
On se rappelle qu’il y a quelques jours, une importante délégation nigériane venait au Niger pour insuffler un nouveau dynamisme aux relations entre les deux pays, et que par ailleurs, au Niger et au Benin, les deux pays envoyaient des délégations de haut niveau pour apaiser les tensions et tenter de ramener les relations à la normalité. Aussi, depuis des jours, de la même manière que le Niger accusait le Benin d’abriter des bases militaires françaises et terroristes pour déstabiliser le pays, le Burkina Faso avait eu les mêmes relations difficiles avec le Ghana où seraient installées certaines forces terroristes pour déstabiliser son voisin, une situation qui a mis à mal les relations entre les deux pays.
Mais, au lieu d’aller au Burkina qui l’accusait de velléités subversives, c’est au Mali que va le pays de Rawlings, le Ghana, alors qu’il se prépare à aller en décembre prochain dans des élections générales. Il y envoie en mission son ministre de la Sécurité pour parler de paix, rassurant qu’il accueille depuis des millénaires – et c’est vrai – des communautés importantes – des millions – venues des trois pays de l’AES et qui sont aujourd’hui des composantes essentielles, métissées de la population du Ghana. Le choix du Mali n’est pas fortuit. Pour bien d’observateurs, c’est aussi une autre porte pour parler au Burkina Faso surtout quand on sait que c’est le Malien qui assure la présidence de l’AES depuis le premier sommet de l’Alliance organisé à Niamey en grande pompe.
C’est Albert Kahan-Dapah – c’est le nom du Ministre ghanéen de la Sécurité – qui se rendait en visite à Bamako où il arrivait depuis le mercredi, portant un message de paix du Président ghanéen, Nana Addo Akufo. Ce Ghana, peut-il avoir compris, qu’il n’a aucun intérêt à se mettre en conflit avec le Burkina et d’une façon générale avec les pays du Sahel, sachant que ces pays, sur le plan militaire, sont en train de se restructurer et devront, à termes, être des puissances régionales qui forceront le respect ? Leur expérience de la guerre, de l’épreuve du terrorisme, leur partenariat stratégique avec la Russie et avec d’autres pays qui sortent de l’axe de Paris, pourraient être déterminants pour nouer et renforcer de nouveaux partenariats militaires qui font peur à bien de voisins.
Bien d’acteurs de la sous-région ont fini par comprendre qu’il valait mieux préserver notre région de tensions inutiles pour la mettre à l’abri de turbulences qui ne peuvent qu’affecter toute la zone. Ils savent surtout que l’on peut décider de quand commencer les guerres mais, jamais, personne ne sait y mettre fin. Il y a donc à faire attention pour ne pas se créer des problèmes inutilement. Ces rapprochements du Ghana avec le Mali sont un bon signe de cette compréhension. La France ne peut pas nous pousser à nous faire la guerre alors qu’elle n’a aucune frontière avec nous pour partager avec nos peuples les affres de la violence qu’elle aura attisée. Lorsqu’elle cherche la paix pour elle, pourquoi veut-elle pour nous la guerre ? ça doit faire réfléchir.
En répondant à l’émissaire ghanéen, les autorités maliennes diront, comme cela pourrait s’entendre dans tout le Sahel, que leur pays veut la paix avec tous les autres pays du monde. Mais, pour préserver des relations pacifiques, encore faut-il que l’autre sache respecter sa souveraineté. Ces pays n’agressent personne et n’accepteront jamais qu’un autre, pour quelques farfelues raisons, s’en prenne à eux. On se rappelle la décision prompte du Mali et du Burkina Faso à réagir vigoureusement face à ceux qui, de notre proximité, voudraient attaquer leur voisin et désormais allié le Niger, au nom d’une démocratie qu’on voudrait défendre alors qu’elle n’y était même pas. C’est pourquoi, dira l’autorité malienne, « aujourd’hui, notre plus grande force, c’est le soutien de notre peuple », ce qui veut dire que les autorités n’en font pas à leur tête, il y a un peuple qu’elles écoutent et dont elles suivent les volontés pour répondre à leurs aspirations légitimes.