Le drame derrière les rideaux
Les jeunes africains, hommes et femmes, qui prennent d’assaut l’Europe, ne fuient le continent que parce que des considérations culturelles les y poussent mais aussi parce que leur Afrique est devenue invivable du fait de la gouvernance d’une élite politique qui a échoué et qui, au lieu d’assumer la réalité de nos indépendances, se liguent avec l’ancien tuteur colonial pour lui permettre de continuer à exploiter nos pays. Et, face aux défis et aux besoins du marché de l’emploi, nos système éducatifs n’ont pas su s’adapter et, depuis, ils ne produisaient que des chômeurs, une jeunesse abandonnée à elle-même, inquiète vis-à-vis de l’avenir, de son avenir. Dès lors, les chemins de l’exil s’ouvrent à elle pour tenter ailleurs une autre vie. La migration devenait pour cette jeunesse désœuvrée une autre manière de se battre dans la vie, face aux échecs des politiques publiques qui ne savent plus se préoccuper de leurs aspirations légitimes. Et tous les jours, les jeunes africains partaient, traversant les déserts pour atteindre l’océan et tenter une traversée périlleuse vers l’Europe qui a cru que ses frontières pouvaient artificiellement se délocaliser pour se situer au Sahel à qui elle pouvait, moyennant quelques subsides qui avaient fait perdre à Issoufou ses lucidités pour prendre sur lui la grave responsabilité quand toute l’Afrique l’a refusé, de signer la loi de l’Union Européenne qui lui permettait de se servir de notre territoire pour contrôler ce qu’elle considère comme une menace migratoire et traquer à partir du Niger, devenu une frontière européenne du fait de l’adoption de cette loi importée, impérialiste qui viole notre souveraineté.
Mais, le CNSP qui arrivait au pouvoir un 26 juillet 2023 avait décidé de manière souveraine d’annuler ces accords qui avaient permis à l’Europe d’imposer ses politiques migratoires à l’Etat nigérien. Qui peut savoir aujourd’hui, dans ces centres de rétention, le nombre de jeunes qui, à force de dépression, frôlent aujourd’hui la démence, perdus pour leur jeunesse, pour leurs pays, pour leurs familles, pour leur avenir ?
Mais, voilà que, malgré la dénonciation de ces « accords » dans le domaine migratoire, le Niger continue de recevoir, comme un dépotoir, sur son territoire, à partir de la Libye et de l’Algérie, des migrants refoulés, obligeant le Niger à les accueillir surtout quand, pour s’en débarrasser, on venait les jeter – le mot n’est certainement pas de trop – en plein désert, peu soucieux de leur sort, oublieux de la sacralité de la vie humaine pour laquelle tout Etat doit s’imposer un devoir de protection. Aujourd’hui, du fait de ces regroupements de migrants reversés sur le pays, imposés au Niger, la ville d’Arlit ne fait que subir les effets pervers de cette situation. En effet, cette situation impacte la vie de la jeunesse de la ville avec aujourd’hui des phénomènes qui s’y développent, notamment la délinquance, le banditisme urbain et la prolifération du plus vieux métier du monde. On comprend les choix humanistes du Niger qui reçoit ces jeunes alors que rien ne l’y oblige ; le faisant au nom d’un panafricanisme qui est une foi nigérienne, de plus en plus affirmée depuis les événements du 26 juillet 2023 et ce malgré l’attitude de certains pays africains à son égard.
Mais, il y a aussi d’autres migrants, ceux-là des Nigériens, qui revenaient au pays, par les mêmes voies et les mêmes moyens, refoulés. Mais, comme toujours, le Niger a su prendre soin de ceux-là qu’il conduit, chacun dans son village tout en les accompagnant avec des programmes d’appui et d’insertion pour leur permettre de retrouver leur place dans leur société. En effet, on apprend, il y a quelques jours, que 460 Nigériens sont refoulés de la Libye à la mi-juillet et conduits à Dirkou, abandonnés dans le désert, sans qu’officiellement, les autorités nigériennes ne soient mises au courant afin de prendre les dispositions nécessaires pour les accueillir à temps et leur éviter certains désagréments humiliants et avilissants.
Les drames humains que provoque la migration sur notre territoire interpellent tous les Nigériens, décideurs et citoyens lambda. Nous n’avons plus le droit de nous taire sur ces situations pour qu’au plan national les communautés soient largement sensibilisées afin que ces images humiliantes de migrants refoulés et autres mendiants-migrants ne nous reviennent plus, car nous pouvons mériter mieux que cela.
Il faut donc briser le silence pour dénoncer les conditions de refoulement souvent peu respectueuses de la dignité humaine et appeler à une synergie sous-régionale pour que les pays dont les jeunes sont les plus impliqués dans ces dynamiques migratoires s’y impliquent afin de protéger notre jeunesse qui méritent sans doute mieux que ces spectacles désolants qu’elle nous offre dans les déserts et sur les frontières.
Mais, plus qu’un autre, ce sont les décideurs qui sont interpellés à travers toute l’Afrique pour mener des politiques plus responsables qui mettent au cœur de leurs actions les jeunes et leurs aspirations profondes dans un monde qui est d’abord le leur.
Le départ massif des jeunes vers des horizons peu sûrs est le fait de l’échec des gouvernements africains et donc de nos démocraties prêt-à-porter, commandées depuis La Baule.
Alpha