Ismaël Diadié Haïdara, connu sous le nom d’Ismaël Qûtti, est un poète, écrivain, historien, philosophe et bibliothécaire malien. Né en 1957 à Bajindé, dans la région de Tombouctou, il a étudié le théâtre et la philosophie. Il vit en Espagne où il mène une vie intellectuelle pleine, au service de la culture, africaine en général et, en particulier, songhay dans lesquelles il puise la substance de sa pensée.
Ses œuvres traduites en anglais, en russe, en japonais et d’autres langues couvrent un large éventail de sujets développés à travers une trentaine d’ouvrages de référence, des dizaines d’articles, des centaines de conférences à travers le monde qui suscitent un intérêt pour les chercheurs du monde entier.
Le poète rénovateur
En tant que poète, Ismaël a écrit ses premiers vers à l’âge de 20 ans. Ecrivain professionnel, il est incontestablement une des figures mondiales de la poésie, domaine dans lequel il s’impose avec une nouvelle forme, le tébrae, composé de deux vers et considérés comme le poème le plus court au monde.
Les tébrae trouvent leurs racines dans les chants des femmes africaines du Sahara. Sa poésie et ses autres écrits littéraires reflètent son riche héritage culturel et son dévouement pour la préservation de l’histoire et de la culture africaine.
Un philosophe hédoniste
En tant que philosophe, il se réclame de la philosophie hédoniste qui cultive l’esprit de la discipline personnelle, la connaissance de soi, du monde et des autres. Les fondations directes de la philosophie hédoniste sont la curiosité et le goût pour l’existence d’une part et, d’autre part, l’autonomie de la pensée, le savoir et l’expérience du réel.
Ne dit-il pas : « L’homme peut oublier tout de son passé et continuer à vivre, mais il ne peut demeurer sans espérance, sans attente. Vivre, pour lui, revient à s’angoisser face à ce qui va advenir quand il ne se fait pas rattraper par ce qui est passé. L’homme, alors, oscille entre nostalgie et espérance, difficilement contemporain de son présent. Loin de vivre dans l’instant, il se fuit lui-même, cultive mille désirs, mille ambitions, rend amers ses jours par la crainte de la mort et la recherche d’un bonheur absolu dans une existence qui lui échappe de tous côtés. » ?
A la conquête de l’universalité
Ismaël est certainement le plus polyglotte des écrivains africains. Il parle et écrit couramment le sonrai, le bambara, le français, l’espagnole, le latin. Ses livres sont étudiés dans les universités espagnoles, italiennes, françaises, américaines, japonaises, soviétiques, marocaines et tunisiennes.
Mais ces oeuvres, bien que constituant un grenier de la culture africaine, ignorées en Afrique, suscitent un intérêt particulier en Russie, au Japon et en Chine où elles sont enseignées dans les universités. Ce qui lui a valu des distinctions et des prix couronnant l’ensemble de son œuvre, entre autres :
- 1991, le Prix de la Fondation Roger Garoudi pour la recherche historique pour son livre « l’Espagne musulmane et l’Afrique subsaharienne » ;
- 2023, La médaille d’argent eurasiatique de la poésie, décernée par la Russie.
Actuellement, il se consacre à la recherche sur l’histoire juive du Mali, à une anthologie des proverbes zarma-songhay, à la numérisation de 12 000 manuscrits anciens constituant sa collection personnelle. Sa fondation Kati Fondo dispose d’une bibliothèque de 12 714 manuscrits musulmans, juifs et chrétiens, allant de 1198 à 1893, ainsi que 2 200 pièces d’art africain allant du premier millénaire avant J.-C. au XIXe siècle. Son amour pour les manuscrits et l’art ancien, il l’a hérité de son père, ami proche et compagnon du premier président du Mali, Modibo Keita, de Hamadou Hampaté Bâ et de Boubou Hama.
Ismaël est un passeur de culture, un pont entre les peuples, un des plus grands représentants de la littérature africaine contemporaine avec le Soudanais Tarek Tayeb. L’abondance et la profondeur de leurs pensées font d’eux des candidats sérieux au prix Nobel de littérature.
Les futures générations apprécieront son apport au rayonnement de la littérature, de l’histoire, de la philosophie africaine, sa juste valeur, le moment venu. Un proverbe dit qu’une gourde pleine ne fait pas de bruit. Ismaël Dadié en est une. Je l’ai croisé au premier congrès du Mouvement mondial de la poésie en Colombie et au Venezuela. C’est un érudit polyvalent, très cultivé, très humble, toujours à la recherche du savoir.
Dr Saley Boubé Bali
Université de Zinder