Dettes, détournements et justice
Issoufou Na Kwana, Niger Na Biya
En 2015 déjà, des économistes et financiers de renom ont tiré sur la sonnette d’alarme. Le Niger était en train de sombrer dans un surendettement inquiétant. Abdou Gado Maliki soulignait notamment que « Jusqu’en 2009, le Niger était dans une phase d’endettement normal. Mais sur la période 2011-2015, le pays est entré dans une phase de « surendettement », c’est le terme très diplomatique utilisé dans le rapport du Fonds monétaire international (Fmi) en date du 15 novembre 2015 dans lequel le gouvernement nigérien, contrairement aux années 2000, quémandait une fois de plus des dérogations. Cela veut dire que la moitié des ressources produites risquent d’aller vers le service de la dette et nous sommes à nouveau dans le cycle infernal où le pays s’endette uniquement pour payer la dette et combler les déficits. Résultat des courses : les Nigériens payent et payeront… ». Une réalité douloureuse qui s’est corsée davantage depuis lors. Avec une dette aujourd’hui estimée à 5200 milliards de francs CFA, il faut bien se demander quelle part des ressources produites cela impacte-t-il. Voici,à titre illustratif, l’évolution de la dette publique du Niger en pourcentage du PIB, de 2000 à 2021.
2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 |
82,10% | 73,98% | 69,03% | 60,60% | 55,05% | 49,46% | 18,28% | 17,83% | 14,17% | 15,94% | 15,08% |
2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 |
14,75% | 18,13% | 19,55% | 22,09% | 29,87% | 32,83% | 36,49% | 39,42% | 39,80% | 44,99% | 51,21% |
Source :Agence Ecofin
Soigneusement tenue cachée aux Nigériens, la dette sous laquelle ploie aujourd’hui le Niger a été révélée le …2023 par les soins du Premier ministre, Ali Mahaman Lamine Zeine lors d’un point de presse qu’il a animé pour éclairer la lanterne des Nigériens sur la situation financière du pays. 5200 milliards de francs Cfa ! Un pavé dans la mare qui n’a pas manqué de choquer les Nigériens, déjà outrés et révoltés de savoir que le chef d’orchestre, Issoufou Mahamadou, a lui-même la main trempée dans le cambouis de ces prêts quiétranglent et étouffent aujourd’hui le Niger.
Les 1000 milliards d’Eximbank de Chine, la part de gâteau d’Issoufou
D’un montant de 1000 milliards de francs Cfa, ce prêt a hypothéqué des années de production pétrolière et précipité le Niger dans un gouffre d’endettement irréfléchi et irresponsable. Contracté dans des conditions totalement opaques et anticonstitutionnelles par Issoufou Mahamadou qui n’a pas daigné consulter l’Assemblée nationale dont il était pourtant tenu de requérir l’autorisation préalable, ce prêt de 1000 milliards a été la chasse gardée de l’intéressé qui en a disposé comme il veut. Ce scandale financier fait partie des échéances de paiement que le Niger subit de plein fouet aujourd’hui. Issoufou Mahamadou, lui, est libre, tranquille et serein tandis que l’État est saigné à blanc avec de nouvelles dettes, pour couvrir ses forfaitures. C’est dans cette incroyable gymnastique financière tendant à faire payer au peuple de l’argent volé par des individus bien identifiés que le gouvernement a récemment procédé à une levée de fonds sur le marché financier de l’Uemoa. 457,99 milliards seront ainsi empruntés pour faire face à l’encours de la dette contractée et détournée. Et selon des sources crédibles, d’autres prêts, notamment auprès du Fmi, sont également dans la besace.
Issoufou Mahamadou ne se limitera pas à cette forfaiture commise auprès d’Eximbank de Chine. Il récidivera, cette fois avec un prêt de 50 milliards qu’il a pris au Congo, toujours dans les mêmes conditions frauduleuses que le prêt Eximbank. Il a fallu que le Fonds monétaire international (Fmi), sans doute édifié par l’affaire des 1000 milliards d’Eximbank de Chine, dénonce cette ʺcleptomaniaʺ pour que la question soit transmise à l’Assemblée et la procédure régularisée après coup.
La route Dosso-Gaya et ses financements multiples
Des prêts, il y en a eu à la pelle sous Issoufou Mahamadou. Des prêts, parfois contractés deux fois ou trois fois et qui ont davantage alimenté les comptes bancaires des pontes du régime. C’est le cas du financement de la réhabilitation de la route Dosso-Gaya, objet d’une véritable imposture. Le projet a d’abord fait l’objet d’un premier financement de la Boad en 2016. D’un montant de 15 milliards de francs CFA, ce financement était destiné à réhabiliter la route Bella II -Gaya- Frontière du Bénin pour 73 km et aménager les tronçons Bella II-Sabon Gari et Gaya-Kamba à la frontière du Nigeria sur des longueurs respectives de 10 et 16,5 km. On n’a jamais su où sont passés ces 15 milliards. Ce qui est sûr, le projet n’a pas été réalisé. Il a fallu attendre un autre financement, cette fois en 2020, consenti dans le cadre du programme Compact pour parachever le projet. Entre ces deux dates, des sources indiquent qu’il y a eu pas mal de micmacs financiers malodorants, l’entrepreneur initial (la belle-mère de l’ancien président burkinabè, Balise Compaoré) s’étant régulièrement plaint des rétrocommissions qui ont fait grever le budget.
L’avion présidentiel, une arnaque financière
L’achat de l’avion présidentiel n’a pas échappé à ce qui s’apparente à un modus operandi d’Issoufou Mahamadou. Inscrit dans deux lois de finance, l’achat de l’avion présidentiel va également faire l’objet d’un « don » d’Areva, actuelle Orano, pour un montant de 17 milliards de francs CFA. Un don d’une société à un Etat ! Allez-y comprendre. La Cour d’appel de Paris va d’ailleurs confirmer une accusation de corruption contre les autorités du Niger. Et malgré l’inscription budgétaire de 20 milliards et les 17 milliards du don d’Areva, Issoufou Mahamadou, agissant par le biais de son directeur de Cabinet, Hassoumi Massoudou, va quand-même acheter l’avion à crédit. Un vieux coucou de 15 et demi de vols commerciaux qui a coûté plus cher que l’avion présidentiel malien acheté tout neuf. Le Courrier a d’ailleurs publiéà l’époque les copies des documents compromettants de la transaction frauduleuse, notamment les contrats signés.
Aujourd’hui, à l’heure des comptes, le boulot n’est pas du tout agréable pour Lamine Zeine qui se déchire à faire face aux urgences : un flot d’échéances tous azimuts qu’il faut s’atteler à respecter au risque, comme cela a été le cas durant la période des sanctions, de voir s’alourdir l’ardoise. Le choix de contracter de nouvelles dettes pour payer la dette, tout comme la décision de prendre auprès de la Chine une avance de 420 milliards de francs Cfa au titre du brut acheminé par le pipeline, sont consécutifs à cette spirale de dettes contractés sous Issoufou Mahamadou et dont la destination, dans beaucoup de cas, reste totalement inconnue des Nigériens.
Laboukoye